Ce feuilleton relate le
tout premier voyage en
Afrique de l'auteur. Il n'a jamais fait l'objet de
publication mais illustre les paysages et certains lieux dont il
est question dans ses livres.
C'est décidé, nous allons au Cameroun.
Pour ce
faire nous devons transiter par la capitale. La traversée du
Nigeria
nécessite en effet l'obtention d'un visa
délivré à l'ambassade
nigériane à Niamey.
Nous pénétrons donc dans la savane,
de moins en moins arborée, en
même temps qu'un taxi de brousse qui nous
dépasse. Le véhicule empli de 22 passagers
additionnés du taxi-boy agrippé à la
portière arrière, est une simple Pijot 404.
En théorie, le prix du billet comprend aussi l'embarquement
des bagages.
Toutefois la plupart du temps ils font l’objet
d’une taxe additionnelle dont le
montant sert à fluidifier les relations avec la
maréchaussée, tout au long du
trajet, lors des multiples contrôles. La surcharge passagers,
sert, elle, à rémunérer le chauffeur. A Birni
N'koni, il y a lieu de refaire les
pleins : réservoir et jerricans. Le carburant vendu en bidon
dans les ruelles
sombres du village et parfois en bouteille, à la pompe
elle-même, provient en fraude du Nigéria,
pays
producteur de pétrole voisin.
Le "trafricain" assure son premier plein en Andorre. En
Algérie
il reconstitue les stocks afin d'atteindre Birni N'Konni où
le tuyau de
la station ne connaît d'autres réservoirs que ceux
des voitures administratives
et où le tiroir-caisse ne s’emplit que de bons. Au
prix officiel de l’essence
on comprend l’empressement de la clientèle
à faire jouer la "concurrence".
De villages en
greniers à grains, par Dogondoutchi, nous
parvenons à Niamey.
On ne dresse pas la tente n'importe où dans une capitale,
surtout lorsque trois
jours sont nécessaires à l'obtention d'un visa.
Au camping, où nous établissons nos quartiers,
courent les rumeurs les plus folles. Les
Blancs s'y feraient dépouiller pendant leur sommeil,
anesthésiés par je ne sais quel
gaz !
Sans faire preuve de crédulité excessive, nous
restons sur nos gardes. Dès la
première nuit, je délaisse la tente de toit pour
l'habitacle de la voiture ;
fusil-harpon à portée de main.
Vers
deux heures du matin, la
lune dessine une ombre qui s'avance vers la portière.
Sans sommations, je braque le rayon d'une puissante lampe à
iode sur le visage
de l'intrus.
Il s'agit du gardien.
Je ne tire de l’événement, aucune
conclusion hâtive.
Du
voyage vers le Nigéria par Birni
n'Konni, et Maradi, je
ne retiens que ma première rencontre
avec des lépreux qui, au marché de Zinder,
galopent sans jambes et
tendent la main du bout de leurs moignons. Nous avons, là,
rendez-vous avec le
Suisse, son wc chimique et les Français en 2 chevaux. La
dangerosité prétendue
de la traversée du Nigéria
nous a convaincus de parcourir ce pays en
"convoi".
La traversée obligée des villes de Kano
et de Maiduguri, nous
rend acteur d’une circulation dense à laquelle
nous ne sommes plus habitués.
Les giratoires avec priorité à gauche, accentuent
le dépaysement. La France ne
connaît pas ça. Une idée à
importer ?
Avec trac et précautions, mais sans embûches
notables, nous parvenons à rallier
la frontière camerounaise.
Lorsque,
en
janvier, nous quittons la France, aucune
nécessité de visa d’entrée
au
Cameroun n'est parvenue jusqu’à notre
connaissance. Le 3 mars, à la
frontière, la loi, nous dit-on, exige que nos passeports se
trouvent empreints
de cette estampille.
Ils
ne le sont pas.
Le timbre obtenu à Niamey pour la traversée du
Nigeria, n'est valable qu'une fois. Or nous avons officiellement
quitté ce pays ; le cachet de
la douane en fait foi.
Pour
y revenir, il faut donc
un nouveau visa délivré à l'ambassade
la plus proche ; celle deDouala.
Deux mille six cent kilomètres
aller-retour, dont la moitié de pistes.
Mais
comme pour se rendre à Douala,
il faut posséder un visa d’entrée au
Cameroun,
nous voila bloqués en compagnie d’une quinzaine
d'autres voyageurs, dans une rivière
à sec, entre les deux postes frontières, entre
les deux parties d'un village :
Kerawa,
côté nigérian, Kirawa
côté camerounais. Des
italiennes retenues depuis trois semaines
saluent le coucher du soleil par des crises de nerfs. Il
paraît que c'est de
tradition chaque soir. Le
couple français dont l'homme coopéra
naguère à Maroua,
petite ville distante de 90 kilomètres, n'était
lui-même, pas au fait de cette formalité
nouvelle.
Le Suisse en revanche, précautionneux au point de faire
suivre dans le désert
un cabinet chimique, dispose d’un visa. Même si la
possession du sésame ne doit
rien à la prévoyance : le transit des Suisses a
toujours nécessité le recours à
cette formalité, le garçon se trouve
autorisé à franchir l'obstacle.
Comment allons-nous sortir de ce no man's land ?
Les Italiennes supporteront-elles la prochaine pleine lune ?
Notre compagnon suisse nous fera-t-il "coucou" en poursuivant sa route
seul ?
Une
crue soudaine ne risque-t-elle pas de venir
nous surprendre dans ce lit de rivière ?
Comment irons-nous chercher un visa sans le visa pour aller chercher le
visa ?
A ces questions, peut-être, et à bien d'autres,
sans doute,
vous trouverez réponse en suivant le prochain
épisode :