Ce feuilleton relate le
tout premier voyage en
Afrique de l'auteur. Il n'a jamais fait l'objet de
publication mais illustre les paysages et certains lieux dont il
est question dans ses livres.
Nous avons
conscience,
en quittant El Goléa, d'engager un pas
supplémentaire vers l'inconnu. Notre voiture,
déjà
surchargée,
devra supporter désormais le poids d'importantes
réserves d'eau et
d'essence. Nous ne savons pas précisément
où
seront les prochaines pompes et si elles seront
approvisionnées.
Les informations que nous pouvons recueillir par le
téléphone arabe, en provenance de
"plus bas", sont susceptibles de
variations durant le temps de la communication.
Ce pas supplémentaire nous conduit à
entamer la traversée du
plateau de Tademaït. Le sol est d'argile couleur anthracite.
Notre
guide (papier) nous précise que des voyageurs sont devenus
fous
avant de mourir de soif, perdus sur ce plateau. Notre
préoccupation est maintenant de trouver un emplacement pour
la
nuit. Aucun doute n'est permis, vue la topographie des lieux, ce ne
sera pas en toute
discrétion.
Deux
camions stationnent au bord de la Transsaharienne. L'un d'entre
eux, cabine relevée, expose ses entrailles. Nous
nous
arrêtons à leur hauteur.
Le conducteur est heureux de nous voir. Certes il n'a pas un besoin
pressant d'aide, son "graisseur" et un confrère routier,
lui-même accompagné de son aide, sont
là pour
l'assister.
Ils attendent une pièce mécanique, que,
Inch'Allah, d'ici
trois ou quatre jours, un camionneur en transit leur livrera.
Plus que de nous parler de leurs ennuis, ils
s'intéressent à notre expédition. Ils
ont
deviné que nous sommes néophytes et ne nous
laissent pas
repartir sans nous initier aux risques du métier. Tout y
passe :
les automobilistes qui se sont perdus dans les
environs, les scorpions et les vipères qui courent sur 150
kilomètres quand elles sentent une odeur de gras. Nous leur
avons fait part de notre intention de bivouaquer dans les parages ;
c'était les pousser à la tentation de faire une
bonne blague.
Même si la plaisanterie ne nous a pas totalement
échappée, c'est pas très
rassurés que,
quelques kilomètres plus loin, nous nous mettons
à table
et grimpons dans la tente au plus vite.
Les
blagues de camionneurs ne suffisent pas à me couper le
sommeil.
La fatigue accentuée par la chaleur du jour tiennent lieu de
somnifère. Le vent de sable qui se lève soudain,
lui,
tient lieu de réveil matin à 11 heures du soir.
Un
vent de sable sur le
plateau dénudé du Tademaït, c'est
quelque chose !
Surtout lorsque l'on vit, perché sur le toit de sa voiture,
sa trois ou quatrième nuit en
Afrique. La première dans le Sahara.
Jusqu'à
cessation
des hostilités, je m'agripperai aux montants de la tente que
j'imagine s'envoler au milieu
des scorpions, des vipères curieuses
et de curieuses vipères.
Pendant
ce temps mon compagnon de route dort
comme un
bébé.
Jamais nuit ne me parut aussi longue... Il est vrai que je n'avais pas
encore connu la tempête de 1999.
C'est quelque peu somnolant que, personnellement, je reprends la route
ce matin.
La
route... Les informations recueillies hier, sur son état,
n'étaient pas, elles, plaisanteries de camionneurs.
La
réalisation de la route, faite par les conscrits de
l'armée, dans le cadre d'un plan dont la date d'inauguration
devait
impérativement être respectée, semble
par endroit
avoir consisté à goudronner le sable.
Alors
que faire ?
Rouler
sur l'ancienne piste. Elle s'écarte parfois de
manière
significative de ce qu'il reste de route. Mais ce long ruban d'un peu
d'asphalte est un repère. On sait de quel
côté on l'a
quitté. On sait qu'il est là et qu'au pire, en
faisant
demi-tour, on le retrouvera. Il est la meilleure des assurances vie. Il
est le meilleur des tranquillisants.
Rouler
à côté. Comme cet automobiliste.
Mais au fait, qui est-ce ? Quand l'avons-nous rencontré ?
Va-t-il vivre
pareille aventure ?
Vous
le saurez, peut-être... dans le prochain épisode :