Ce feuilleton relate le
tout premier voyage en
Afrique de l'auteur. Il n'a jamais fait l'objet de
publication mais illustre les paysages et certains lieux dont il
est question dans ses livres.
Obtenir
un visa pour traverser le Nigéria en sens
inverse afin de regagner le Niger... nécessite ici, comme il
est d'usage en
Afrique : un certain temps.
Douala est une ville, et en ville le voyageur averti devient
précautionneux. Sur ses gardes !
Nous savons depuis peu que la capitale économique du
Cameroun abrite une
"Procure Générale des Missions".
Nécessité oblige, nous nous y
présentons en nous recommandant de l'Evêque de
Maroua... entraperçu entre deux
portes, lors de notre arrêt dans cette cité, il y
a de cela quelques jours. C'est
là, dans une propriété
placée chaque nuit sous la protection de gardiens
armés...d'arcs, que nous passerons les trois
journées consacrées aux
formalités.
Après
un mois et demi de bourlingue, dormir dans
des lits, manger à table en compagnie de blancs parlant
français, loger dans
une propriété à
l'européenne, nous met mal à l'aise. Aussi
dès le précieux
sésame obtenu, quittons-nous vite le bord des eaux
bénies de la piscine,
heureux d'avoir été
protégés trois jours dans la demeure des
pères, même si la
chaleur de l'accueil n'y atteignait pas celle de l'air ambiant ni celle
de notre
budget surchauffé par le montant de la pension.
L'expérience
acquise à l’aller guide désormais le
choix du parcours en fonction des difficultés du
terrain.
Il faut ménager la voiture qui s'épuise tout
comme les pièces de rechange disponibles.
Plus question de s'aventurer sur des pistes secondaires aux pentes
insensées.
Plus
question de perdre des heures à parlementer aux
multiples points de contrôle le long des pistes camerounaises
ou des routes
nigérianes d'autant qu'on nous a prévenu qu'il
pouvait exister de faux barrages!
A la vue du moindre uniforme le long de la latérite, et
avant même qu’un homme en gris n’ait
amorcé un lever
de bras à notre encontre, j'actionne
le clignotant de la R6 et déporte franchement
la voiture à gauche, sans ralentir.
Le geste du bras, c’est nous qui le
prodiguons, large et sympathique, au passage devant les
fonctionnaires... Le
temps de la surprise et des interrogations sert à nous
éloigner.
Les seuls policiers qui ne se laissent pas prendre à ce
stratagème, n'auront
pas l'occasion de contrôler notre aptitude à
résister au bakchich, au moment où
ils s'approchent de la voiture, une roue se
dégonfle bruyamment... Pas
moi ! La diversion ne tombe pas à plat. Je saute
sur
l'occasion et sur le
cric.
Après nous avoir aidé à
réparer, les policiers n'ont plus qu'une
préoccupation, trouver à se laver les mains.
C'est ainsi que sans grandes péripéties, nous
retraversons le Cameroun, le
Nigéria et entrons au Niger...
Au Cameroun, la tôle ondulée a eu
définitivement raison des amortisseurs
arrières de la Renault 6. Nous n'en sommes pas surpris.
Birni N'Konni, ville
nigérienne proche du Nigéria, vit beaucoup de la
contrebande et nous finissons
par y trouver les pièces de rechange nécessaires,
à un prix abordable. Il ne
reste plus qu'à opérer la substitution.
A l'ombre
d'un mur délabré, dans une
rue retirée, nous entamons la mise sur cales du
véhicule et le démontage des
amortisseurs depuis longtemps amortis. Soudain des cris rompent le
silence
environnant : « Au voleur, au
voleur ». Un souffle d’air passe en
même temps qu’un appareil photo
à la main d’un garçon
essoufflé, poursuivi
par deux autres hurlant de plus belle. Prudents, nous n'intervenons pas
;
se mêler des affaires d'autrui dans les rues
« basses » d'une ville
comme Birni N'konni, serait suicidaire. Quant au sort
réservé ici aux voleurs,
nous préférons ne pas avoir à en
prendre connaissance. De l'incident, nous
retetons seulement que l'appareil photo ressemblait
étrangement au nôtre ;
un appareil de grand prix qu'un ami m'a prêté.
Alors que nous reprenons les
travaux mécaniques, le deux poursuivants, de retour,
viennent à notre encontre
en nous tendant l'appareil. Il s'agit du nôtre ! Ils ont
laissé filer le voleur
qui a abandonné sa prise et perdu ses sandales... qui
récompenseront nos
bienfaiteurs.
Nous
quittons l'Afrique Noire comme nous y sommes
entrés, par le Fort Militaire d'Assamaka. Nous roulons seuls
depuis Douala et
traversons le désert en même compagnie.
Photo extraite du site : http://www.surlespistes.fr,
avec l'aimable autorisation de l'auteur. (Cf Liens).
Le désert, pour moi, ce sont les 750 kilomètres
sans
route ni véritable piste, entre Arlit et Tamanrasset : le no
m'ans land entre le Niger et l'Algérie,
Tamanrasset.
Les amortisseurs neufs, changés à Birni N'konni,
rendent l'âme en seulement 750
kilomètres de sable avalés trop vite par la faute
d'une expérience encore mal maitrisée. Nous en
trouvons une paire d'occasion dans un petit garage de la ville. Le
mécanicien
insiste pour en assurer le changement lui-même. Nous allions
l’en prier ! Le coût des travaux est
indolore pour le porte-monnaie. Instruits des us et coutumes locales,
cette fois nos dinars viennent très peu de
la banque !
Le
retour au goudron n'est qu'un mirage.
Comme à l'aller : Aïn Salah,
le Plateau du Tademaït,
El Goléa.
Ce
n'est qu'à l'approche de Ghardaïa que notre
randonnée
quitte l'itinéraire suivi à l'aller
pour
bifurquer vers l'est par une route qui paraît
démentielle jusqu'à ce qu'on
ne croise des camions gigantesques conçus pour
n'être
pilotés que dans des pays sans nuages. Bordée de
pipe-lines en
construction,
la route de Ouargla, que nous suivons, dessert aussi, par un
embranchement,
les puits de pétrole d'Hassi-Messaoud.
C'est par Touggourt et El Oued que nous remontons vers la
côte.
C'est entre Touggourt et Ouargla que nous brisons le pare-brise de la
Renault 6.
C'est dans la traversée du Souf et de ses dunes
mouvantes
que nous essuyons un vent de sable
démoniaque. Sans pare-brise, impossible de progresser. Nous
sommes en plein
désert, en pleine tempête, en plein
désarroi. Dans cet univers de sable, des
gens survivent, s'extraient d'on ne sait quoi, d'on ne sait
où et viennent à
notre rencontre. Ils nous accueillent pour le repas et nous
hébergent à même le
sol, comme eux, pour la nuit.
Les dunes ne sont pas fixes, les habitants des lieux doivent lutter
jour après jour contre l'envahissement de leurs demeures et
la DDE locale, à coup de chasse-neige, contre le
recouvrement des routes. Même en absence de vent, les dunes
avancent sous l'effet du propre poids des grains de sable. Mais
comme nous à bicyclette, elles avancent plus vite avec le
vent dans le dos.
La nécessité de trouver un pare-brise nous
contraint à chercher un lieu pour nous "poser" quelque
temps. Ce sera en bord de Méditerranée,
à la fois pour des raisons pratiques : les repas ne
demandent qu'à être pêchés et
pour assurer une transition : passer des mers de sable à la
mer tout court. L'imprécision de notre Michelin 153 au 1/4
000 000ème nous conduit du côté de
Chetaïbi,
anciennement Herbian...
dans la plus belle baie du monde,
nous assurent les voisins... qui tiennent ça de Lucien
Jeunesse dans le jeu des Mille Francs.
Trouverons-nous,
rapidement un pare-brise ? L'embrayage
de la Renault 6 qui patine à qui mieux mieux, nous
permettra-t-il de
traverser
l'Algérie d'ouest en est et de regagner l'Espagne ?
Trouverons-nous suffisamment à manger dans la
Méditerranée pour ménager
les finances ?
A ces questions ou à d'autres, vous trouverez,
peut-être, réponse dans le dernier
épisode, à venir.