Photos
des 12 juin 2010, 30 mars 2016 et 5 octobre 2023
Le 22 mai 1904,
neuf excursionnistes de la Société d'Etudes Scientifiques
de l'Aude partaient de Carcassonne à 7 heures du matin, changeaient de train à Bram à 8 h 54 et quittaient
Moulin-Neuf à
9 heures 52.
Au bout de cinq minutes,
le train stoppe :
"Lagarde !"
Il est dix heures.
photo du 30 mars 2016
Ce nom rappelle une
partie du programme, et les excursionnistes se précipitent aux
portières d'où l'on peut contempler, au milieu d'un
bosquet, les ruines du vieux manoir, de la vieille forteresse de
Lagarde au pied de laquelle se développe le village du
même nom.
photo du 30 mars 2016
toilettes "hommes et
dames" ; la visite de ces ruines est pour le lendemain.
Entre temps on cause du passé,
on esquisse l'histoire du pays ; l'infatigable
M. Rebelle prononce de temps à autre, le sourire aux
lèvres, deux ou trois mots en latin en s'adressant à
M. Gauthier et à ses collègues les botanistes...
Le train quitte l'emprise de la gare de Lagarde, en ligne droite, à travers "La Plaine".
La "voie verteCanal
du Midi à Montségur", qui a pris place sur le remblai de
l'ancienne ligne de chemin de fer de Bram à Lavelanet,
photo du 30 mars 2016
Dans l'avant projet de construction de la ligne de Bram à Lavelanet, débattu à la session d'avril 1880 du Conseil général de l'Aude, le
tracé soumis à l'enquête descend, à partir
de Lavelanet, la vallée du Touyre jusqu'à la station de
Laroque ; la quitte pour suivre la vallée de l'Hers en desservant Labastide, Le Peyrat, Ste-Colombe, Montbel, Rivel, Chalabre, Sonnac, Camon,Lagarde, Tréziers et Moulin-Neuf... Lagarde, dans cet avant-projet, est certes bien desservi par la ligne, mais ne bénéficie pas d'une gare de plein exercice :
Les stations prévues sont au nombre de onze, savoir Lavelanet, Laroque,Labastide, Le Peyrat, Ste-Colombe, Chalabre, Camon,Moulin-Neuf... plus unehalteàLagarde.
s'écoulent sous la voie au travers d'un aqueduc voûté.
Le 22 mai 1904...
Même à la vitesse du train, M. Gauthier vient de reconnaître des plantes dont il
est heureux de constater et de noter la présence.
On est émerveillé
devant les bois touffus de chênes et d'essences diverses qui s'étendent
sur les collines de Saint-Quentin et de Camon,
photo du 30 mars 2016
et qui descendent jusqu'au lit de la rivière de L'Hers sur la rive
gauche duquel court sinueuse la route départementale de Mirepoix à
Chalabre...
métallique d'un pont-rail dressé au-dessus
photo du 30 mars 2016
d'un modeste affluent de l'Hers.
A Camon, chef lieu de la commune éponyme,
dans un site plein de fraîcheur, on se trouve en présence
d'un ensemble de bâtiments d'aspect assez fruste, construits
à la manière ariégeoise, en pierres
appareillées au petit bonheur. Le pittoresque est partout, ce
qui a fait employer à Félix Pasquier l'expression assez
injuste de décor d'opéra comique.
Camon vaut mieux que cela. C'est une vénérable abbaye dont on trouve la trace dès le commencement du Xe siècle.
De cette époque, il serait hasardeux de dire qu'il reste quelque
chose, mais les richesses archéologiques sont nombreuses pour
mériter l'attention des connaisseurs...
jeté sur un chemin, aujourd'hui embroussaillé. On
entre dans Camon par une ancienne porte de ville. Partout, ce ne sont
que rues étroites et montueuses, sauf lorsqu'on débouche
devant l'ancienne abbaye, dressée sur une sorte de terrasse.
Dans le mur de cette terrasse, on remarque une vieille croix gothique
disposée dans un encadrement de guirlandes très
décoratives d'un style de transition entre le XVIIe et le XVIIIe siècle.
L'abbaye conserve encore des pièces aménagées au XVIIIe
siècle et décorées de peintures dans les
tonalités de camaïeu bleu-verdâtre,
représentant les saisons et des paysages décoratifs. Sur
le jardin, un balcon d'une ferronnerie très simple nous livre le
nom d'un artisan de Camon. On lit en effet sur la rampe :
1707 F. P. MOI PHILIP GAILLARD M A CAMON...
aux abords du lieu-dit "La Prade", masqué par la végétation.
A Camon...
L'église, passablement délabrée, ne manque pas
d'intérêt. Elle conserve des stalles du début du XVIe siècle, un autel du XVIIIe et un retable conservant de curieuses peintures. Un morceau de girouette gothique est fixé au mur. Dans la sacristie, M. le
curé de Camon nous a fait admirer quelques pièces d'argenterie
ancienne. Notons encore un curieux bénitier du XVIIe siècle.
C'est ainsi que "Les Toulousains de Toulouse" ont vu et ressenti Camon lors de leur excursion du 19 juin 1938 à Mirepoix, Lagarde, Camon, Chalabre et Puivert. Ce voyage culturel
a été effectué en autobus et voitures. En 1938,
la route permettait d'éviter le chemin de fer local et
ses horaires peu pratiques, ses correspondances aléatoires,
ses transbordements nombreux et l'implantation périphérique de ses
gares.
Le service voyageur sera d'ailleurs amené à fermer le 18 avril 1939.
Un conseiller général demanda avec juste raison que le
service par la voie ferrée fut rétabli entre Bram et
Lavelanet.
Et rien !
Une satisfaction partielle sera accordée, un an plus tard, au vœu formulé.
Du 5 mai 1941 au 6 mai 1946, la pénurie de transports
routiers amènera la S.N.C.F. à ajouter une voiture voyageurs au train de
marchandises qui circulait encore.
La voie,
entre les parois d'une tranchée parsemée de rigoles semi-verticales,
parvient, en courbe,
à la croisée
du chemin
de
Daurat.
Les trains franchissaient le passage à niveau, à l'angle
La "voie verteCanal
du Midi à Montségur" profite de l'endroit pour faire le point :
← 24 Lavelanet
Bram 41 →
La courbe
prend fin
face à un ouvrage majeur de cette section de ligne.
Le 22 mai 1904,
les neuf excursionnistes de la Société d'Etudes Scientifiques
de l'Aude constataient là, que :
La ligne du chemin de fer se rapproche de plus en plus du cours d'eau,
et le traverse
sur un de ces ponts artistiques, comme ont l'habitude
d'en construire les ingénieurs sur les lignes pittoresques qui, se
détachant de la grande artère, pénètrent au cœur des Pyrénées.
perce le premier tympan de l'ouvrage alors que commence à se déployer
une grande arche elliptique au-dessus de la rivière.
photo du 30 mars 2016
Au cœur d'un
méandre photo du 30 mars 2016
La vallée de
l'Hers
s'est formée
au cours des deux
derniers millions d'années, sur un relief quasiment plat,
constitué de molasses, matériaux
détritiques issus
de l'érosion des Pyrénées.
L'Hers
s'est frayé un chemin dans cet environnement peu
pentu, en ondulant. A l'extérieur de chaque virage, l'eau
s'accélère et
ravine (on voit ici les murs servant à consolider). A
l'intérieur, elle
dépose des graviers qui ont été
exploités.
photo du 30 mars 2016
La
rivière a progressivement évidé le
relief tout en se
déplaçant de part et d'autre de son lit, lui
donnant son ampleur
actuelle. C'est ainsi que s'est formé le méandre
au cœur duquel se
loge le village.
Le bâti repose
sur les
molasses,
photo du 30 mars 2016 alors que les terrains
alluvionnaires offrent un sol propice aux cultures. En 2011, des vignes
ont été plantées pour une production
de raisins de bouche, rappelant
que cette culture existait sur le village avant l'arrivée du
phylloxera
pendant la deuxième moitié du XIXe siècle.
photo du 30 mars 2016
Dans la quatrième voûtelette, comme dans la première,
une ouverture
a été pratiquée dans la pile-culée : sont-ce deux entrées vers
l'intérieur de l'ouvrage pour maintenance et contrôles ou l'accès à
deux chambres de dynamitage de l'arche
centrale en cas de chamailleries aggravées avec l'Espagne ?
Les randonneurs de la voie verte peuvent jeter un regard à droite
sur la route, qui, à 336,363 mètres d'altitude, traverse l'Hers, plus modestement,
ou à gauche, sur le village.
Peut-être entendront-ils là sonner l'angélus du soir
dont les trois notes que donnent les cloches de Camon ont inspiré les
"Impressions d'Ariège", traduites pour piano par Marc Delmas.
... Et le soleil lassé rend la nuit plus soudaine,
La brume fine rampe au flanc du coteau noir,
L'angélus étouffé s'attarde sur la plaine ;
Et la cloche s'endort dans la tiédeur du soir.
Une dernière arche, favorise le passage d'un sentier.
Les trains
n'escaladaient pas
l'ultime travée de l'ouvrage.
Le tablier métallique, jeté
sur le "chemin départemental n° 7 de Limbrassac à Chalabre",
a été rehaussé
et camouflé par
un habillage en pierre, en 2006.
Camon
La
singularité de Camon est d'avoir été à
l'origine une abbaye bénédictine, qui au lieu de rester
isolée, comme bien d'autres dans la paix et le silence, a vu
naître autour d'elle un village.
Cette
abbaye bénédictine aurait
été fondée
par Charlemagne en 778 et fut rattachée à
l'abbaye de
Lagrasse à la fin du Xème siècle. Parmi
les éléments remarquables de ce village
fortifié,
on peut citer : l'abbaye, les remparts, l'église et son
trésor ou encore la maison haute et ses colombages.
Camon
possède également un atout
unique : un
patrimoine
exceptionnel composé de plus de cent cabanes en pierre
sèche, anciennes cabanes de vigne qui servaient d'abri ou
d'habitat temporaire.
Actuellement,
grâce à un programme de restauration et de
valorisation,
elles se découvrent lors d'agréables balades
guidées.
Camon est aujourd'hui "un des plus beaux villages de France"
où
s'harmonisent la majesté de son patrimoine architectural et
le
charme des centaines de rosiers qui jalonnent ses rues.
La voie verte laisse s'échapper, à gauche, un sentier vers :
photo du 30 mars 2016
du passage supérieur de la "voie communale n°3 de Léran à Camon",
actuelle route du Chiquet.
Chiquet à chiquet, la voie
s'éloigne du village. Une épicerie "à vendre - fortune assurée", met en avant sa position sur ligne chemin de fer, Bram à Lavelanet.
La petite annonce, facturée au mot, ne précise pas
que la gare se trouve en pleins champs, à 700 mètres du village.
Et pour cause, à cette époque, la gare n'était pas encore construite.
L'annonce a été diffusée dans La Dépêche du 15 août 1896, soit six ans avant l'ouverture de la ligne. Sept ans avant que celle-ni n'arrive à Lavelanet.
Dimanche soir, entre 10 et
11 heures, au café Olive, une discussion s'éleva entre Français et
Espagnols au sujet d'un instrument de musique dont jouaient ces
derniers et que Joseph Carol voulait se faire prêter. La querelle
s'envenima et des défis ayant été portés, les consommateurs, quelque
peu échauffés par la boisson, sortirent dans la rue.
A peine y étaient-ils que
Joseph Carol s'écriait : "je suis mort !" et s'affaissait comme une
masse. Un violent coup de coutelas lui avait traversé le cœur. La mort
avait été foudroyante.
Le meurtrier, un Espagnol
du nom de François Bretto, âgé de 28 à 30 ans et employé aux travaux de
terrassement de la ligne de Lavelanet à Bram, prit aussitôt la fuite,
poursuivi par les ouvriers Français. Sur le point d'être atteint, il se
retourna et menaça de son arme terrible les plus proches des
poursuivants.
Ceux-ci,
désarmés, reculèrent un instant mais
continuèrent de pourchasser l'assassin à grands coups de
pierre.
La nuit, malgré la lune, favorisa la fuite de Bretto qui bientôt était hors de portée.
Comme l'on pense, cette
soirée dominicale si joyeusement commencée et si tragiquement terminée,
devint une veillée funèbre. De sourdes rancunes entre Français et
Espagnols causée par des événements récents et des brutalités
d'Espagnols, se réveillaient. Dans l'après-midi de lundi,
le parquet de Pamiers arrivait à Camon et continuait l'enquête
commencée par la gendarmerie.
En même temps, le signalement de
l'assassin était transmis dans toutes les directions. Des gendarmes de Mirepoix
étaient appelés car on redoutait un conflit entre Français et
Espagnols, d'autant plus que les obsèques de la victime allaient avoir
lieu à six heures du soir.
L'ordre
néanmoins ne fut point troublé et la
cérémonie funèbre fut
célébrée au milieu d'une grande affluence et dans
le recueillement le plus parfait...
Au moment de clore notre courrier, nous apprenons que Bretto, le
meurtrier, a été arrêté hier soir lundi,
vers sept heures, par la gendarmerie de Chalabre (Aude).
Il sera transféré à la prison de Pamiers.
Le 22 mai 1904,
les neuf excursionnistes de la Société d'Etudes Scientifiques
de l'Aude, partis de Carcassonne à 7 heures du matin, repartis de Bram à 8 h 54, de Moulin-Neuf à
9 heures 52,
pénétraient sur l'emprise
de la gare
de Camon.
Leur train se présentait à quai, où il était attendu
à 10 heure 08.
Audience du 21 février 1908 Louis C...,
chef de gare à la station de Camon (Ligne de Pamiers-Bram*), est
poursuivi pour contravention à l'article 6 de la loi de1906
concernant les tarifs et transports.
Une dame Ramondis, de Toulouse, lui écrivit pour qu'il tint
à sa disposition quatre wagons avec bâches pour
transporter des fourrages à une date fixée dans la lettre.
*sic Le chef de gare ne répondit à cette dame que huit jours
plus tard. Il invoque pour son excuse qu'il n'avait pas de wagons et ne
savait pas quand il les aurait. Il n'avait répondu que lorsqu'il
eût reçu les wagons demandés. Le tribunal lui
octroie 5 francs d'amende avec sursis pour avoir
négligé d'envoyer en temps voulu l'avis prescrit par la
loi.