Ensablements et
orientation
Le Paris-Dakar du Pauvre
Episode 19
Ce feuilleton relate le
tout premier voyage en
Afrique de l'auteur. Il n'a jamais fait l'objet de
publication mais illustre les paysages et certains lieux dont il
est question dans ses livres.
Si
nous avons réussi,
hier, à nous extraire des ensablements successifs,
ce n'est apparemment pas le cas de tout le monde.
De
ces
épreuves, nous
avons tiré un enseignement. Il y a une méthode
pour
sortir son véhicule d'affaire et un tas d'autres pour
accentuer
l'enfoncement.
Aujourd'hui
leçon numéro deux : trouver comment
éviter d'avoir à appliquer la première
leçon.
A cet effet, nous arrêtons la voiture dès que la
nature du
terrain paraît suspecte. Les
passages pouvant se révéler hostiles sont
testés
de pied ferme. Nous allons même jusqu'à les
"baliser". On
gagne
du temps à en perdre.
Face aux mers de sable, la troisième leçon
consisterait
à enseigner la
natation à notre Renault 6. Le poids handicape rarement
les humains dans l'exercice de la planche. Dans le cas de notre auto,
la surcharge pondérale ne favoriserait pas sa flottaison.
Oublions ! et continuons à privilégier la terre
ferme. La
planche nous sera plus utile, mise sous les roues.
La
vérité doit être dite : ici, ce n'est
pas nous qui avons balisé la piste.
un
redjem
Eviter
les
ensablements ou
s'en extraire, ne
résume pas les apprentissages auxquels nous
contraint
le désert. La priorité des priorités
est l'orientation dont notre
inexpérience en réduit le sens à l'art
de
ne pas se perdre.
Pour
ne point s'égarer, la sagesse voudrait que nous suivions le
"sillon" principal. Cette option de bon sens n'est pas
partagée par la garde au sol de notre véhicule.
On se
rabat alors sur des traces
secondaires moins empreintes et
donc éphémères. Qu'en
resterait-il
après un vent
de sable ? Rien n'assure, non plus, qu'elles mènent
où nous
voulons. A
In Guezzam.
Il y a aussi, comme un peu partout dans le monde, de
petits amoncellements de pierres, appelés ici "redjem". Ils
contraignent Michelin et ses bornes à la modestie.
L'invention est antérieure. Ils rassurent, mais qu'en
partie. Quelle direction indiquent ces cairns ?
On
se fie aussi
à ces alignements de pierres. Ils marquent un
itinéraire
ou parfois une simple "déviation" à
l'écart des
ornières.
La
dernière fois que je
traverserai cette partie de désert, ce sera de nuit, au
volant
d'une Land-Rover de la gendarmerie algérienne. J'en aurai
fait
des progrès ! Mais ne débordons pas sur cette
histoire
qui, elle, est narrée dans "l'Auberge
aux Pans d'Or".
Nous
aurions pu trouver aussi
une pancarte directionnelle. Celle-ci indiquait, à
l'époque
française, la direction d'In Azaoua. La piste est
donnée aujourd'hui (1981)
comme impraticable.
Aujourd'hui,
nous ne l'avons pas vue. Nous sommes passés à
l'ouest ce qui nous a évité de croiser ces
anciennes traces et par
là-même la tentation
de les suivre.
On dit que certains l'ont fait et n'en sont pas revenus.
De
la journée, nous
n'avons vu personne. On a cru entendre parfois le vombrissement
lointain de
moteurs de camions, vu s'élever de la poussière
à
des distances difficiles à apprécier,
entraperçu
un 4X4 cahotant en sens opposé sur des traces
parallèles, mais d'humains, point.
D'ensablements
en ensablements nous avons progressé vers In Guezzam. Du
moins nous l'espérons.
Nous ne choisissons pas notre lieu de campement. Vers la
tombée
du jour, par soucis de sécurité, nous avons
rejoint des
traces plus importantes qui nous ont retenus à dormir. Tous
nos
essais pour sortir de la molle emprise ont été
vains.
Nous sommes contraints à déplier sur place
angoisse et
tente de toit. Comment ne pas songer qu'un véhicule puisse
nous percuter durant la nuit. Mais
que faire ? S'acharner, équivaut à perdre des
forces, consommer anormalement
du carburant et de l'eau.
Demain matin, le sable refroidi sera plus dur
et la
fraîcheur matinale confortera nos efforts.
Nos
prévisions se
révèlent exactes. A la lumière d'une
aube nouvelle notre situation se présente sous un jour
moins dramatique, et un quart d'heure plus tard, moins
ensablé.
Tout à la joie de s'être une fois de plus
tirés
d'affaire, nous reprenons hardiment notre progression vers la
frontière. Hardiment mais pas longuement.
Hors des traces brassées par l'intense circulation - 10
véhicules par jour - il semble que nous allons dompter ce
désert.
Plus on aborde rapidement un passage de sable mou, plus on a de chance
de le traverser... ou de s'y ensabler loin du bord.
Le plancher de la Renault 6 ne tarde pas à se poser sur
l'arène au centre du milieu de nulle part.
Il va falloir changer de tac-tic. Envisager de repartir
après avoir dégagée l'auto de
manière
conventionnelle amènerait à disserter sur
l'infinité du temps. Hors nous n'en avons pas le temps et le
moteur de la Renault 6 n'est
pas donné pour tenir allumé aussi longtemps. Il
risquerait de "fondre"
sous la chaleur avant la fin de l'éternité. Si on
l'éteint entre chaque tentative, c'est la
batterie qui sera sollicitée au-delà de ses
forces déclinantes.
Nous possédons un tire-fort. Rien de bien extraordinaire
mais
suffisant pour soulever une voiture. Il devrait parvenir à
la
tirer. Un rocher voisin servira de point
d'attache.
Il faut encore avancer le véhicule de quelques
mètres. Le
câble, même prolongé d'une corde,
l'exige.
La manoeuvre rapproche les points de vue, une heure et demie plus tard.
Le treuillage peut commencer.
Clic, clic... Ca bouge !
Le tire-fort tirera-il, la tire, fort ? L'union du câble et
de la corde
aura-t-elle raison de l'immobilité de l'auto avant le
prochain
passage du marchand de sable ? Le temps qui passe emprunte-t-il au
"t'en fais pas" ?
Vous
le saurez...
peut-être, en parcourant
l'épisode suivant
: