Jeudi 29 mai
2008
: la météo se risque
à
pronostiquer une journée sèche sur Barcelone et
ses abords. Un parcours VTT
(BTT) tracé, revu et corrigé, autour de
Montserrat, se
morfond dans mes cartons
depuis maintenant 26 jours.
En possession d'une carte Alpina au 10 000 ème, j'ai
élaboré un circuit reliant
les nombreux cols mentionnés. Mais sont-ils joignables ?
Accessibles aux deux
roues non motorisés ?
Ma boucle prévoit l'entrée dans la montagne
de Montserrat par la
Portella. Ma documentation évoque une
randonnée pédestre vers le refuge
Vincenç Barbé. Elle la qualifie de facile. Mais
qu'en est-il encombré d'un vélo
que mes épaules refusent de porter ? Google Earth, en cet
endroit, y voit
goutte, même en absence de nuages. Il ne se mouille pas.
Par
précaution, afin de ne
pas revenir bredouille, j'élargis la boucle pour y inclure
quelques
amuse-gueules alentours.
Ainsi,
je fixe le point de
départ à Collbato
situé en bordure de l'autovia Barcelone-Lerida.
Certes, je sais que Collbato est l'appellation d'un
village et non celle
d'un col répertorié, mais à
proximité se trouve le Coll de Rubio
assez
peu perché. Un bon rapport qualité prix.
La B-112 grimpe le long du village et bascule je ne sais (encore)
où lorsque je l'abandonne pour
le Cami del Serrat dels
Gateils, cadenassé à main droite.
Il s'agit d'un GR dont ma carte affirme qu'il franchit le col.
Le
chemin ne cache pas son empressement à
surplomber les vallées. Il s'appuie pour cela sur une courte
mais sévère pente
et divers petits cols géographiques.
Son panorama préféré reste celui
pourfendu par l'autovia que je viens de quitter
et que je dois maintenant retrouver, à vue, via le Coll de Rubio.
En écarquillant les yeux *,
je m'assure que, comme je l'espère, l'autoroute se trouve
bien doublée d'une voie cyclophile...
* ou,
ici, en cliquant sur la photo
... Elle l'est et je ne tarde pas à l'emprunter.
Bruit et vapeurs d'essence me servent un temps de fil
d'Ariane.
Ma
carte, confortée par Google Earth, me demande de
bifurquer à El
Bruc. Un passage sous l'autovia doit me permettre d'aller
chercher le Collet Blau situé tout
près.
J'ai noté pour repères des ronds-points
aménagés de part et d'autre de la voie
à traverser.
Jusqu'à
la sortie de la ville, je ne trouve, de
ronds-points, point.
Le célèbre Tambour, fier
d'avoir, en son temps, impressionné l'armée
napoléonienne, m’incite à situer
sur la carte les hauteurs d'El Bruc où se
sont déroulés d'âpres combats.
La France,
aujourd’hui, projète de s'attaquer au seul Coll
de Rubio qui n'oppose
guère de résistance sinon celle, passive, de son
accès au
travers d'une zone industrielle.
Si en 1808 les pertes
françaises incitèrent le
général
Chabran à regagner Barcelone, je n'ai pour ma part aucune
intention de renoncer
à mon trophée :
le Collet Blau
Ma digression prend fin là
où je l'ai
entamée, aux pieds du Tambour catalan que je
contourne
cette fois, afin de prendre la direction d'El Bruc de Dalt.
Je retrouve et accompagne la N
IIa (rebaptisée N IIz) jusqu'au
Coll del Bruc.
Le chemin d'accès à mes objectifs suivants ne
fait pas dans le camouflage.
Il
faut toutefois cheminer un peu pour trouver les
premières indications directionnelles. Pour moi ce sera tout
droit.
Je note au passage que la piste de droite pourrait être celle
qui me verra
boucler cette boucle dans la boucle.
Contrairement
à ce que
j'imaginais en préparant le circuit, je me trouve ici en
terre cyclable.
Le
"péril" doit venir d'une traversée de
VTT au
niveau d'un col géographique proche. Le péril,
pour moi,
serait de m'aventurer sur les pentes adjacentes qui ne peuvent
satisfaire que de
purs vététistes.
Cal Sotera me satisfait en ce qu'il figure sur ma carte et
procure un point de repère visible de loin.
Mon itinéraire est de droite.
Puis de gauche.
Les
cartes que je consulte pour préparer mes
circuits diffèrent parfois dans l'emplacement des cols. Ici,
j'irai chercher
le Collet del Bruclà
où il est proposé le plus près de la
piste principale.
Le
cartographe a raison d'épargner les pas du "chasseur". Les
obstacles amusent le
piéton. Pas le cycliste. D'autant qu'en
aller-retour, ils comptent deux fois.
L'absence
d'informations sur le terrain m'oblige à
accorder crédit à ma carte. Ainsi, remis en selle
sur la piste principale,
j'interromps ma progression montante au premier carrefour venu,
à main droite.
La descente ne m'effraie guère, les deux cols suivants
affichent
une hauteur qui exige une perte conséquente d'altitude.
Un
premier col, géographique,
précède de quelques centaines de
mètres Le Coll de Can Muntaner.
La piste de droite, à mon sens, part dans une direction
compatible avec mon
itinéraire. Faute d'indications, je navigue à vue
jusqu'à
ce que mon parcours
croise celui affecté aux touristes, maintenus par le
balisage sur des terres plus
plates.
Ma carte, pour une fois, ne m’a pas trahi.
A droite : Cal Soteras, la ferme
perchée, rencontrée en début de boucle.
Tout droit : Cal Muset qui donne son nom
à mon prochain col.
La Collada de Cal
Musetexige peu.
Cal
Soteras apparaît bientôt en point de
mire.
Le chemin contourne la bâtisse par l'arrière.
La boucle dans la boucle est bouclée là
où je le pressentais.
Mon approche de la montagne de Montserrat reprend au Coll del
Bruc.
J'ai
prévu de rejoindre le Coll
de Can Maçana par Sant Pau de la
Guàrdia et le Coll
de les Torres.
Je
me méfie des franchissements d' "urbanisaciones" propices
aux égarements.
Peu avant le kilomètre 171, j'ai
repéré une rue qui traverse Montserrat Parc en
ligne droite. Ensuite, le GR 172 me servira de guide.
Peu
après le Coll del Bruc, un chemin,
à
main gauche, laisse entrevoir, à une centaine de
mètres, des poteaux
indicateurs. Je ne peux m'empêcher d'aller lire ce qu'ils
proposent. Je ne peux
m'empêcher de suivre ce GR que je m'étais
juré d'éviter. Je ne peux m'empêcher
de manquer de me perdre.
La
tentation raisonnable de
faire demi-tour, m'effleure. En vue, des toits d'habitations pointent
au-dessus
de la végétation d'une colline. Serait-ce
Montserrat Parc ? Sant Pau ?
Je ne peux m'empêcher d'aller voir.
Un sentier inhospitalier grimpe dans la direction des maisons. Des rues
sans
caractère s'entremêlent.
Au doigt mouillé, je me situe à "gauche" du
parcours prévu. Je tire
donc à droite...
jusqu'à me retrouver sur les chemins de Saint-Jacques de
Compostelle
où m'accueille
un trio de chiens comédiens. Leur
agressivité - feinte ? - cesse à l'allumage de
mon
appareil photo. J'ai déjà constaté ce
phénomène en d'autres circonstances. La musique
émise à la sortie de l'objectif, calmerait-elle
les
canidés ou ceux-ci préfèrent-ils
mordre dans
l'anonymat ?
La
montagne de Montserrat, mon objectif de sortie, refait
surface. Je perçois de suite le pouvoir calmant de son
imposante présence dans
le paysage. Je progresse dans le droit chemin.
Sant
Pau de la
Guardià. Je ne retiens du site que le
bric-à-brac entourant l'édifice religieux
(privatisé ?) et l'amabilité d'un
résident prompt à m'indiquer mon chemin alors que
je bute inexorablement sur
l'entrée de sa propriété.
J'aperçois un col au loin. J'aperçois une tour au
loin. J'aperçois un col près d'une tour, au loin.
Sûrement le Coll
de les Torres
Derrière moi, Sant Pau
s'éloigne.
Devant
: la tour et, surtout,
le Coll de les Torres.
Dans
une première esquisse de parcours j'ai
envisagé de franchir le Coll
de les Torres
en aller-retour depuis le Coll
de Can Maçana.
Aux vues des difficultés techniques à
dévaler un sentier incertain
se perdant dans une propriété close, j'imagine
l'exercice inverse.*
* Qui ne clique pas, ne trouve pas la sortie.
Coll
de Can
Maçana
Il est 13 heures 30. L'heure de manger en Espagne.
L'heure théorique de fin de digestion pour mon
estomac.
Mon sandwich continue à cuire au fond du sac à
dos.
L'aire de pique nique inciterait à un arrêt
restauration si la DDE locale ne
tentais d'activer mon rhume des foins à coup de
débroussailleuses.
L'air de l'aire traversé en apnée, l'air de rien,
j'entre dans le vif du
sujet.
J'imaginais, jusqu'ici, effectuer le début réel
de ma randonnée au Coll
de Guirlo. Il n'en est rien. La montagne se gagne
dès le Coll de Can
Maçana.
Un
premier col anonyme donne prétexte à un chemin
pour s'échapper, par la droite, vers Sant Pau Vell.
L'excellente piste principale poursuit son
élévation vers
le Coll
de Guirlo.
La Portella
semble désormais à deux pas.
Une paire de centaines de mètres plus loin le sentier du
"refugi Vincenç Barbé" prend naissance.
C'est la
direction à suivre.
Au départ, rien ne s'oppose à la progression
d'une bicyclette.
Puis les difficultés apparaissent. Ralentissent la
progression
du pousseur de vélo. L'amènent à garer
sa monture
pour aller tester l'état du terrain.
Au
pied de la passe, je
comprends l’aveuglement de Google Earth.
La
Portella
m'est inaccessible.
En compagnie, avec du matériel, il ne doit pas
être impossible d'hisser un
vélo, mais est-ce bien ce que l'on appelle franchir un col
à bicyclette ?
Je serais venu directement me heurter à ce passage pas sage,
que je pourrais
encore envisager de le prendre à revers. Le
détour conséquent, ajouté aux 5
heures de VTT déjà accomplies, rendent cette
idée déraisonnable.
Il n'est d'autre issue que la retraite anticipée et sans
solde.
Que faire une fois redescendu au chemin ?
Je me souviens y avoir réfléchi en
préparant le parcours... il y a de cela plusieurs mois.
Fatigué, j'économise l'effort de
mémoire. Je me laisse tenter par la première
proposition venue : celle du panneau indicateur. Le GR mène
à Montserrat.
Montserrat que j'entends visiter quoi qu'il
arrive.
Trompé
par l'aspect engageant du chemin et
l'intérêt visuel de la montagne en dents de scie
(Montserrat),
je m'enhardi à contourner un dromadaire pour me rapprocher de mon nouvel
objectif. Je n'ai pas
imprimé la carte de cette option de parcours. Le fait
devrait me mettre la puce
à l'oreille.
Le sentier rétrécit. Mes forces aussi. Le sentier
rencontre des obstacles. Et moi
donc !
Je dois en permanence garder la possibilité de faire
demi-tour. Me retrouver
bloqué entre deux passages infranchissables m'ennuierait. La
prospection
pédestre me vole du temps et de l'énergie. Une
inscription
"carrer", à un carrefour de sentiers, m'incite à
bifurquer. Je
poursuis toutefois le GR pour qu'il me persuade lui-même
qu'insister ne mène à
rien.
La
route, elle,
mène assurément à Montserrat. Je reviens donc
à l'inscription "carrer" et plonge vers
le goudron étalé au-dessous.
Je
perds de l'altitude en même temps que mes craintes
de ne pas aboutir.
L’approche d'une zone adaptée au pied du
touriste rassure le pied du pousseur de vélo.
A refaire, mon parcours comporterait un
aller-retour : Coll de Can
Maçana Coll de Guirlo et montée directe
vers Montserrat par la route B-1103,
avec passage à
Santa Cecilia.
Tandis
que Santa Cecilia soigne son panorama je
mets au point la suite de ma randonnée. Un
léger repérage avant
de poursuivre sur Montserrat, s’avère
nécessaire. Ne serait-ce que pour
savoir par où.
L'accès
au monastère se fait
par une route à péage et une Piste Verte "non
cyclable". Je
réalise au retour que les panneaux
implantés sont blancs cerclés de rouge.
Interdit aux vélos ! Les traces de pneus sur la peinture
démontrent qu’il y a
motif à confusion.
Je ne découvrirai jamais mieux le monastère que
je l'ai
fait il y a une trentaine d'année avec un
collègue "ami
de la maison". Je m'en tiens donc aujourd'hui à traverser
discrètement, vélo à la main, le
secteur des
marchands du temple.
Je
cherche maintenant la fin de mon
parcours prévu dans la Sierra de Montserrat…
là où je devais arriver si je n'avais
pas buté sur la Portella,
fermée. Cette sortie pourrait se convertir en
entrée lors d'une prochaine tentative.
Je caresse aussi l'espoir d'ajouter un dixième col
à ma liste du jour : le Coll
de les Baranes. Je le crois tout près.
Une piste cimentée et fréquentée
s'élève au-dessus du monastère.
Lorsque la
densité humaine faiblit, j'enfourche le vélo
jusqu'à la rencontre
d'une chapelle : Sant Miquel*.
Je ne trouverai pas "mon col" dans cette direction mais la
piste
se poursuit dans la montagne de Montserrat qu’un jour je
reviendrai explorer.
Probablement par là.
* Madame ne
cherchez pas de pièce pour
éclairer la chapelle, un click sur la photo suffit !
Tandis que monte une benne de
téléphérique, j'amorce la descente
vers
Collbato.
Mais par où ?
Je ne me souviens plus avoir imprimé un
itinéraire de repli, au cas où. Je le
porte en toute ignorance dans le sac à dos.
Je tente la descente par la B 1121 vers Monistrol de Montserrat.
Via Sant Benet
D'instinct,
à Monistrol,
je
remonte la vallée par la droite.
Un
croisement m'offre l'opportunité de quitter la C-55
pour la B-112, qui,
à main droite, s'engage à me conduire
à Collbato
en 6 kilomètres. Me voilà
bientôt arrivé !
Que je crois !
Six kilomètres de montée.
J'en viens à douter... non pas de mes capacités
à grimper, ma fatigue était
purement pédestre, mais de l'inscription lue au croisement,
du sens de la
flèche, enfin de tout. N'y a-t-il pas un autre Collbato ?
N'ai-je pas confondu
Collbato
avec un Coll... autre chose ?
Avant que j'en vienne à m'arrêter pour consulter
la carte - celle que je crois
ne pas avoir - avant que je me laisser aller à redescendre
au croisement, un
clocher apparaît en toile de fond d'un col bien
dessiné. Un col magnifique. Un
col payé de six kilomètres d'efforts : Collbato.
Qui osera encore prétendre que Collbato n'est que
le nom d'un village ?