Ce feuilleton relate le
tout premier voyage en
Afrique de l'auteur. Il n'a jamais fait l'objet de
publication mais illustre les paysages et certains lieux dont il
est question dans ses livres.
Nos
retrouvailles avec la civilisation routière,
abandonnée
depuis 11 jours, 650 kilomètres plus au nord
à Tamanrasset,
coïncide
avec notre entrée effective en Afrique
Noire. Arlit,
il y quelque quinze ans n'existait pas. (15 ans avant 1981).
Ce lieu-dit n'attirait aucune piste. Le voyageur en provenance
d'Assamaka,
regagnait alors directement Agadez
par Teggidam
Tessoun ( Teggiga
n'Tessoumt ) et ses salines. De nombreux
camionneurs empruntent toujours cet itinéraire qui
évite les contrôles de police, de douane et de
gendarmerie, disséminés
le long des deux cent cinquante
kilomètres
d'asphalte magnifique déroulé entre les deux
villes. Ces contrôles,
il faut le dire, incitent à la corruption de fonctionnaires
qui gonfle plus que les frais généraux. Arlit,
Akouta
et Imarouren
sortirent des sables après qu'il y fut
découvert la présence de minerais
uranifères.
Arlit se compose de
quatre
quartiers.
Nous
ignorons, dans toute l'acception du
terme, le quartier européen, peuplé
d'employés de
la Somaïr.
Nous ignorons tout autant leur hôpital, leur hôtel
et l'ensemble de leurs
infrastructures.
Une
seconde zone regroupe l'habitat du personnel
africain.
Nous ne débordons pas du
quartier des commerçants où la
bière, la "Flag",
nous attend, plus fraîche même que nous
l'imaginions.
Elle sort du congélateur. La chaleur locale
relègue le frigo au rang de placard. Nous
n'en sommes pas encore à expérimenter
les brochettes du marchand.
Je patienterai, pour ce faire, jusqu'à la fin de
l'année, au Togo,
à Lomé.
Là, près du
commissariat central, j'y serai poursuivi par la force publique. Le
bâtonnet des brochettes est juste prêté.
La brochette africaine ne s'emporte pas ; elle est à
consommer sur place.
Pour
le voyageur, les garages figurent parmi les premiers centres
d'intérêt d'Arlit.
Lors
de mes véritables traversées aventureuses
(cf : Le
Paris-Dakar du Pauvre) je
fréquenterai ces ateliers de plein air et de ressources.
"Présentement
" ! notre Renault 6 bouge encore. Elle
nous encourage à poursuivre vers Agadez.
Arlit ne nous
retient plus que par les formalités dont la
première consiste à dénicher le commissariat
pour y
"pointer".
Sur
la "Piste
Trafricaine", se présenter aux autorités les mains
encombrées de papiers en règle favorise
la suspicion. Il est sage de savoir gentiment titiller
la
légalité afin d'aider le "chef" à
trouver un prétexte
pour tenter d'arrondir ses fins de mois. Même si l'on se
refuse à "payer", une légère
entorse au droit, lui permettra de démontrer son
autorité en
matière de clémence.Dans
ces pays, où l’unique occupation d’une
grande
partie de la population consiste à survivre, de tels
déplacements aux seuls
fins d’admirer des paysages dépassent
l'entendement. Faire
du commerce licite ou limite… oui !
Promener ; non ! Comme partout le mystère
inquiète. Bourlinguer sans intérêt
visible cache forcément quelque chose… de
grave.Notre
attestation
d'assurance, spéciale Afrique,
contractée chèrement en France,
a le malheur
d'être imprimée sur papier jaune. La police d'Arlit
n'a
jamais vu ça. Les "traficotants de voitures" ne
s'embarrassent
pas d'un contrat spécifique. Ils présentent la
carte
verte internationale, valable en Europe. Une
heure de palabre ne suffit pas à convaincre les
policiers de la légalité de
notre exception. Dans
l'atmosphère gris treillis de cette assemblée
uniforme,
il n’est pas de bon goût de discuter les couleurs.
De guerre lasse, j’envisage de m'enquérir de
l'onéreuse
manière de verdir le document. Je m'avise
alors que je détiens toujours
l'attestation d'origine de la R6, sans valeur hors
des
territoires couverts, mais de la teinte souhaitée.
Nous sommes admis - le cachet en fait foi - à poursuivre les
négociations chez les confrères douaniers
où
notre carnet de passage en douane amuse l'assistance. Aucun
fonctionnaire n'a
jamais eu vent de l'existence de ce type de livret. Je continue
à regretter
d'avoir dépensé 7500 francs de caution
auprès du
T.C.F. pour ces feuillets
inutiles. Et j'ignore encore que le Touring Club de
France a déposé
le bilan et mon argent avec.
Pour l'heure, nous n'échappons pas à l'achat d'un
Carnet de Transit Routier.
Il
s'agit de francs CFA.
Le souvenir reste à un prix
abordable.
A
la sortie d'Arlit,
deux fûts de deux cents litres
se font face de part et d’autre d'une large route
asphaltée et déserte, près
d'un abri fait de broc faute de briques.
Distrait
par
l'insolite
présence de ces tonneaux disposés au milieu de
nulle part, je perçois soudain une corde détendue
entre
les deux bidons.
Les
formalités
n’ont pas dit
leur dernier mot.
Nous
affrontons notre premier
contrôle routier prélude à bien
d'autres.
Nous
aurons à nous
méfier désormais
de ces "coups du bidon".
A
intervalles réguliers
d'environ 30 kilomètres, le
désert est planté de pylônes-relais
pour le téléphone et la
télévision.
Si entre Tamanrasset
et Arlit,
à
l'exception des deux
postes frontières, le désert sembledésert,
désormais il s’anime.
Malgré
la sédentarisation des Touareg
qu'accélèrent les
sécheresses,
la concurrence des camionneurs,
la
politique au sens large,
des caravanes de dromadaires subsistent
toutefois.
"Encore de nos
jours, (2007) les
taghlamt (caravanes du sel) le
traversent en reliant le massif de l'Aïr aux salines de Bilma,
aux confins du Tchad: 40 jours aller-retour et 600 lourds
kilomètres à porter sur leurs vaisseaux du
désert, que ces derniers caravaniers d'Afrique parcourent
sous le souffle torride de l'harmattan."
Extrait de : http://www.ledevoir.com/2007/01/27/128527.html
De nombreux
futurs ex-nomades, pris
dans le tourbillon
du malheur, échouent aux abords des villes. Ici
près d'Agadez.
Notre
guide bleu,
comme
les hommes d'ici, nous
avertit que nous pénétrons dans la capitale de l'Aïr, devenu
le plus grand département du pays. Son
importance administrative s'étend sur le Ténéré,
les plateaux du Djado
et la vallée
de l'Azouac.
Nous ne songeons pas à repérer ces
régions sur
notre Michelin 153.
Nous en sommes encore à chercher vers quels pays nous
diriger. C'est dire !
J'attendrai
encore
une vingtaine d'année avant de
m'enhardir à monter sur un vélo. Je ne succombe
donc pas à la tentation
d'aller franchir le Col
du Chandelier et le Col
de la Bara
mentionnés près des plateaux
du Djado.
En 2007, sur
cette même carte, je ne verrai plus qu'eux.
Pour
l'heure
nous voyons apparaître le
célèbre minaret
de la
mosquée d'Agadez.
Célèbre, dit-on, dans le monde entier. Inconnu
pour nous.
Agadez,
première véritable
ville d'Afrique noire visitée,
apaisera-telle nos angoisses au
sortir d'un monde désertique envoûtant autant
qu'inquiétant ?
Notre soif de découverte va-t-elle l'emporter sur l'inconnu
de l'avenir ?
Et l'avenir ; existe-t-il dans ces pays où le temps
ne compte pas ?
S'éloigner du Sahara vaincu, n'est-ce pas l'inviter
à préparer sa revanche?
Nous savons devoir l'affronter de nouveau au retour. Il le sait aussi.
S'éloigner encore... mais pour où ?
A
quelques-unes de ces questions comme à
bien d'autres, vous aurez
réponse, peut-être, en parcourant
l'épisode suivant :