Le
fech-fech entre Assamaka et Arlit
Le Paris-Dakar du Pauvre
Episode 24
Ce feuilleton relate le
tout premier voyage en
Afrique de l'auteur. Il n'a jamais fait l'objet de
publication mais illustre les paysages et certains lieux dont il
est question dans ses livres.
Nous
croyons comprendre que le
campement de cette famille se situe dans les parages. Elle compte sur
le passage pour s'approvisionner en eau et autres denrées.
Depuis Assamaka nous essayons de nous maintenir en vue du voyageur
suisse. Son 4/4, bien
que léger, pourrait aider à limiter nos sueurs en
cas
d'ensablement. Ce garçon est écologiste et
prévoyant. Pour traverser le Sahara il a installé
un cabinet chimique sur
le toit de son
véhicule. Il s'est également pourvu de toute
la gamme des petits cadeaux
classiques à distribuer le long du parcours.
L'intérieur de
sa Lada
Niva concurrence la braderie de Lille.
L'échange
avec cette famille targui souffre de difficultés
linguistiques. Seul
l'homme manie quelques bribes de français.
L'échange
d'objets, en
revanche, ne souffre d'aucun handicap. Notre accompagnateur
involontaire se débarrasse d'une
poignée de
dinars contre des pointes de
flèches.
L'homme regrette que nous n'en voulions pas.
Nous disposons pourtant toujours de monnaie
algérienne,
bien que son exportation
soit interdite. A notre décharge, il n'y a pas de banque
à In Guezzam pour s'en débarrasser
légalement et
nous réimporterons l'argent à notre
retour. Deux infractions au lieu d'une... par respect de la loi.
Pour
les pointes de flèches, une photo suffira. Je n'ai pas
révisé mon
néolithique avant de partir, mais puisque ces choses sont
là
depuis si longtemps, autant qu'elles y restent.
Depuis Tamanrasset,
de kilomètre en kilomètre, d'ensablement en
ensablement, une canette toujours plus grande,
toujours plus glacée colonise nos pensées.
Serait-ce
parce que c'est précisément au
Néolithique que l'homme découvrit, par hasard, la
culture des
céréales et la fermentation ? Donc la
bière.
Pour lutter contre la soif, nous
avons mis en application des conseils autochtones : une bouteille
d'eau pendouille, à la
portière de notre voiture, dans
une serviette mouillée.
Lorsque nous roulons, le
déplacement d'air prive le liquide de quelques
degrés qui par contraste paraît moins chaud. Nous
réinventons l'eau tiède.
Deux
types de difficultés nous séparent
encore de cette
bière en train de réfrigérer
à Arlit.
La première épreuve, aujourd'hui, n'est pas
liquide. C'est
à sec que des
Coris (oueds - rivières) barrent la piste et
imposent leur rite de passage.
Les bars d'Arlit sélectionnent
leurs clients !
Devant nous, au milieu d'arbustes une seule trajectoire praticable avec
audace permet le franchissement de trois cents mètres de
fech-fech.
Qui a pu avoir l'idée de venir ici moudre le sable ?
Plusieurs hypothèses expliquent la formation du fech-fech.
Elle
résulterait "de l'érosion d'un sol
argilo-calcaire ou de
boues déposées en milieu aqueux et
réduites en
poudre sous l'effet de sels ou de gypse"...
Quoi qu'il en soit, il faut traverser ces lits farineux.
Aujourd'hui je suis loin de penser qu'un jour je deviendrai
"spécialiste" de la traversée de ce passage. Je
le
franchirai, même, un an plus tard, au volant d'une 404 break
tractant au bout
d'une corde une 404
bâchée en panne et sans freins... sans ensabler
aucun
des deux véhicules. Cf :
Ce jour-là, en revanche, je perdrai trois heures
à aider des voyageurs à
dégager le passage encombré par leur puissante
505 avachie
dans la poudreuse.
Aujourd'hui, c'est nous qui jouons le rôle de la 505. La
puissance en moins. Et c'est bien là le problème.
Pour espérer franchir ces 300 mètres meubles, il
faut de
l'élan, de la vitesse et de la reprise. Tout ce qui manque
à notre Renault 6 "en surcharge".
Quand nous en avons fini avec cet épisode de fech-fech, la
bouteille de bière, bien qu'imaginaire, a pris tant de
volume qu'elle déborde de nos têtes.
L'épreuve la plus
impressionnante est imposée par un cordon de dunes...
à
franchir impérativement. Notre "estafette"
suisse traverse
tout droit sans hésitations. Pas même celle de
connaître notre degré de perplexité. Il
roule en
4/4, nous, non !
Nous ne la reverrons plus de la journée.
Nous partons à la recherche d'un passage adapté
à notre
faible moyen de locomotion. Quatre kilomètres, en bordure
droite des
collines de sable, suffisent à nous persuader que cette voie
n'est pas celle de l'évitement. Même
observée, à pieds, du haut d'une dune, aucune
brèche sympathique n'apparaît
en-deçà de
l'horizon. Revenir à la piste s'impose.
Le désert a ses mystères. Des passages anodins
nous
retiennent la journée, une dune impressionnante se traverse
d'une traite. C'est le cas de celle-ci qui
ne coupe que symboliquement notre élan. S'imprimer dans nos
souvenirs est sa
seule exigence.
Nous
ne devrions plus quitter
la piste tant elle devient désormais notre
alliée. Le
terrain incite à la vitesse. Relative, aujourd'hui pour
nous,
mais réelle, plus tard, pour moi, avec d'autres
véhicules
plus musclés.
Un vrai faux mirage nous incite cependant
à concéder un léger crochet. La vision
est bien
réelle. Elle est une provocation à notre soif
inextinguible. Elle est aussi la preuve que, même
après
avoir passé avec succès toutes les
épreuves, les
ennuis peuvent encore sévirent.
Quelques décennies plus
tard, on dira qu'il y a faute de goût écologique;
aujourd'hui on ne retient que le sens de l'humour de quelqu'un
à
qui le désert a joué un dernier tour.
"Servez-vous Au Niger on est sympa"
L'apparition de population
n'annonce pas la fin du désert mais l'approche d'un lieu
habité.
Arlit n'est plus loin.
L'arrivée dans cette
cité a de quoi surprendre, elle se fait par une "autoroute"
non
goudronnée où nous devons tout faire pour
éviter
le ridicule d'un ensablement. On se sent canalisé.
Canalisé,
on l'est
aussi et surtout par les formalités à
entreprendre. La visite au
commissariat n'en est pas la moindre. Le voyageur européen
se doit
d'y aller montrer patte blanche.
Le retour à la civilisation
routière induit-il
que, sur l'asphalte retrouvée, notre voiture se portera
mieux ?
Allons-nous satisfaire aux formalités de moins en moins
formelles ?
Vers quelle destination allons nous nous transporter ?
Vous le saurez... peut-être, en parcourant
l'épisode suivant
: