30
mai 2007, 5 heures du matin, il pleut. La
météo
fait des
siennes depuis plusieurs mois. Elle veut nous faire payer les quelques
beaux jours du mois de janvier.
L'autre météo, celle que je consulte sur Internet
avant
de me lancer dans une expédition à la fois
lointaine et éphémère, ne sait plus
où elle en est. Sur Matadepera,
près de
Barcelone,
le
ciel est annoncé bleu pour mardi. Deux nuages : un
blanc et
un plus foncé viennent à peine
tempérer cette
prédiction. Rien d'inquiétant, j'irai donc mardi.
Lundi soir, ultime vérification. Autour du nuage gris
quelqu'un a dessiné des gouttes.
Le ciel de mardi est reporté à mercredi. Mon
déplacement aussi.
Puis à jeudi.
J'irai donc jeudi.
Matadepera
gagnerait a être atteint au plus près par
autoroute. Ce que je
ne fais pas. Résultat, une heure perdue à
chercher mon chemin dans les embouteillages.
Enfin à destination, je perds encore trente minutes
à trouver un stationnement facile à...
retrouver.
Le parking du club de golf "La Mola", fera
l'affaire. Je
crois.
La difficulté
principale du jour restera la navigation
routière. Je cherche le premier col à atteindre,
au
jugé. Ni ma carte Alpina, ni mes photos Google Earth ne me
sont
de grand secours. Je grimpe sur les hauteurs de la ville, en direction
de tout ce qui fait penser à un col. En traversant la grand
rue,
je prends conscience que je
suis garé à gauche de ce point de
repère central et non
à droite comme je le pensais. Revenir à mon point
de
départ s'annonce plus compliqué que
prévu.
Tous les cols que j'atteins semblent dénués
d'histoire mais pas de
géographie. Je continue à monter.
Attention, monter,
dans cette région, signifie escalader. Je le constate
à chaque fois que j'y viens. Dans les "urbanizacions"
à flanc de colline, on ne relie pas les maisons avec des
lacets. Par
endroit une pente de 20% permet la récupération.
C'est
pourquoi la moindre erreur d'orientation se paie comptant.
Le Collet
del Planot
fait le trottoir au bord de la rue Avellaner. Il
y avait apparemment un trajet plus direct pour l'atteindre. J'en
découvre la preuve. Un
promeneur à l'allure "perdue",
aperçu naguère sur mon lieu de parking,
arrive au col en même temps que moi, par un chemin
latéral. Lui, aurait pu s'égarer sans manquer
d'excuses. A ma vue, il prend peur et rebrousse chemin.
La consultation de la carte
m'entraîne à expérimenter les
raidillons du
quartier et m'amène à reprendre confiance
à la vue
d'une nouvelle pancarte.
Il s'agit bien d'un col.
"Collet del Planot".
J'ai tourné en rond.
Sur la carte
je crois découvrir mon erreur. J'ai pris à gauche
là où il fallait tourner à droite. Je
vais
corriger le tir.
Par
la droite, je ressens une légère impression de
déjà-vu. Mais par ici
tout se ressemble. Surtout le carrefour situé tout en bas du
quartier. C'est là que j'ai consulté ma
première
pancarte. Il semble bien que je doive ré-escalader la
colline.
Dans la pente, à seulement quelques millilitres de sueur de
là, j'ai cette fois le temps de découvrir un
chemin discret qui
plonge sur la gauche.
Une borne indicatrice s'offre
même à
faire savoir où. Quelle chance d'avoir de la lecture pour
égailler mon troisième passage.
Désormais les indications seront suffisantes pour me
permettre de m'orienter.
Une
fois entré sur le circuit, plus moyen d'errer. Les pancartes
sont de mèche avec la carte annotée à
partir des
photos fournies par Google Earth. On en a même plus que
recherché. Des cols inconnus par "Alpina" sont
annoncés.
Après un crochet au Collet
del Pujol,
c'est la véritable boucle qui commence. Je savais,
grâce
à la 2D, que la montée directe au Collet
dels
Forns
allait user les souliers. La distance est raisonnable et hormis la
raideur intermittente de la pente, le chemin n'engage pas aux regrets.
Le Collet
dels Forns fourmille d'indications. Attention
toutefois
à ne pas le confondre
avec le Collet del Forn
situé sur la fin du parcours. Il
serait
singulier de se perdre pour une histoire d' "S".
Pour me rendre
au Coll de Grua,
j'ai envisagé plusieurs
itinéraires plus
courts. Le Collet
dels Forns n'était alors franchi
qu'une fois, au retour. Le plan que j'ai
arrêté s'affirme le meilleur. Le plus
économe en
forces. En prime il offre la découverte de deux
cols nouveaux.
A la première
intersection : Le Collet de Cabrafiga,
A la seconde, le Collet
de Girbau
Je
m'engage maintenant dans un cul-de-sac. Certes des
sentiers permettraient de poursuivre, mais ils n'ont de près
ou de loin, rien de cyclable.
Je ne crois pas non plus que ce serait faire honneur à la
nature
que de vouloir les emprunter.
La
piste reste large et belle et souvent pentue. Bien avant que la roue
de mon VTT ne patine, je pâtis et monte à pieds.
Au Coll de Grua,
seule l'idée d'accrocher un col supplémentaire
m'incite à finir de monter au Coll de la Castelbassa.
Au Coll
de la Castelbassa,
seule l'idée d'avoir hésité
à y monter m'est insupportable.
Le chemin bute sur...
Els
Plecs del Llibre.
A droite le "Turo de
Matalonga".
Dommage que le nuage gris de la carte météo
vienne
rappeler qu'il avait raison. La lumière en cet endroit
détient le droit de sublimer la beauté. J'arrive
au
moment où elle exprime des réserves.
La
poursuite inédite du parcours reprend au Collet de
Girbau
qu'il
faut descendre retrouver. Une piste sur la gauche conduit à
sortir du Parc et à devoir s'orienter seul. Les pancartes
sont
astreintes à résidence.
Le Coll
de la Rocassa, bien qu'exclu de la zone
protégée, est en place.
J'envisageais de remonter au Collet
d'Els Forns par un autre
itinéraire, constater si un col géographique,
mentionné sur la carte, n'aurait pas
été
nommé entre-temps. Deux raisons m'y font renoncer.
- La dénivelée. Elle s'avère plus
importante. Il faut garder des forces.
- Ce col se situe hors du Parc. Hors, hors du Parc point de salut. On ne baptise pas.
De retour au Collet dels
Forns, le parcours se différencie de
celui de l'aller. Une piste peu propice aux exercices
cyclopédiques escalade un mamelon, suivi d'un col : Els Rossos.
(Ce col géographique manque d'intitulé pour
être homologué.) Au passage je le confonds avec le
suivant : le
Collet
de Mont-Redon.
Une semaine plus tard, mon col sans intitulé se trouve
nommé, sur une autre carte.
Entre le Coll dels Forns
et le Coll de Mont-Gros
: Collet
de la Bassa. Il est même
répertorié au catalogue.
Il faut que j'arrive au pied du
Mont-Redon
pour prendre
conscience de mes lacunes en matière de code de la route.
Si ce panneau veut
prévenir que ça grimpe, il y a gaspillage. On
s'en aperçoit sans son aide.
Le
Mont-Redon
marque la fin remarquable de cette première
boucle. Le Collet
del Forn et le Coll de Miralles
ne sont là que pour faire nombre. Le plaisir des yeux n'y
gagne
rien. Mais la raison d'être des cols, est avant tout d'ordre
pratique.
Par la route je rejoins
Matadepera
et oh miracle ! je passe par hasard
devant ma voiture. Cette halte imprévue devant mon frigo, me
permet de me réhydrater et d'alléger mon sac
à dos.
Mes difficultés d'orientation citadine font aujourd'hui dans
la
récurrence. Je me trouve complètement
désorienté dans cette ville. Pour ne pas tourner
plus
longtemps en
rond et économiser mes forces, je décide de
chercher la
suite de mon parcours en voiture. Le risque de ne pas ressortir le
vélo est réel, mais je compte sur le compte des
cols
à venir et la beauté des paysages, pour
m'en
préserver.
La route du Coll
d'Estenalles est la colonne vertébrale de
cette
deuxième partie de randonnée dans le Parc Natural
de Sant Llorenç. Je gare mon
véhicule
à proximité. C'est de toute manière
par là
que je redescendrai.
"Ce
Parc
Naturel d’une superficie
d’environ 14 000 hectares se trouve dans la
Cordillère Pré-littorale catalane qui se dresse
entre les régions du Vallès Occidental et du
Bages. Le Parc est formé par deux crêtes
principales, unies transversalement au Col d’Estenalles qui
s’étendent du nord au sud. Les plus hauts sommets
sont la Mola à 1 104 mètres d’altitude
et le Montcau à 1 053 mètres."
Je m'approche, à vue, du Collet de
Can Roure.
J'ai depuis longtemps dépassé l'altitude du col
quand je
commence à éprouver quelques doutes sur ma
trajectoire.
Il est trop tard pour envisager de redescendre essayer un autre chemin.
Et
puis la vue compense.
Je
pourrais m'étonner de tant
d'attention pour les ascensionnistes d'un
col aussi modestes.
Je
pourrais m'étonner
de l'excès d'honneur que les autorités locales
ont
accordés à ce qui n'est qu'un .
Tous
ces
aménagements
mènent en fait au Turo de
Roques Blanques. Certes un Turo,
c'est mieux
qu'un col. Sauf
pour moi !
Quoi
que ! A y
bien regarder, je
ne regrette pas mon erreur, même
si j'ai déjà mangé.
Le détour vaut la
peine qu'il engendre.
Et
puis, en cherchant bien, le
Turo de Roques Blanques
pense à moi.
Je crois un instant que le col a été
décrété ici. Ca c'est vu ailleurs
! Non ! à la réflexion, la pancarte est
directionnelle.
Et
dans la direction
indiquée je trouve un sentier pierreux qui s'abîme
au collet. Je
n'envisage plus une seconde de partir maintenant à la
recherche des Collet de
Sant Joan, Collet
de l'Os
et Collet de l'Alliga.
La montre affiche une heure qui n'a plus l'heur de m'y inciter.
Collet
de Can Roure
La
raison, encore, me fait
remonter par le même sentier abrupt. J'évite ainsi
de me
retrouver au bas de Matadepera
au pied du chemin "officiel" qui devait
me conduire là. A
mi-pente, une échancrure barrée d'une
chaîne,
raccorde la sente à la piste du Turo
de Roques Blanques.
En comparaison des raidars
affrontés, la route BV 1221 prend des allures de faux-plat
montant. Pourtant elle monte.
J'oublie
toutes les incursions envisagées, en aller-retour,
à
droite comme à gauche de l'asphalte. Je les oublie toutes,
sauf une.
A l'Azina del Salari,
une route grimpe sur les pentes del
Turo de la
Pola.
Le Coll de
Tres Creus se situe à distance
raisonnable dans
cette direction. Le
goudron prend fin peu après qu'il ait cessé
d'alimenter divers étages de parkings.
Je
ne sais pourquoi ce col se
nomme ainsi.
De croix, je n'en vois qu'une,
et encore faut-il bien la chercher.
De
renard, aussi, je n'en vois qu'un, pas farouche du tout. Je
pourrais le caresser.
Je
garde mes distances,
ça vaut mieux pour nous deux.
Je
ne pratique plus guère les sentiers pour de prudentes
raisons. Le GR 5 toutefois
m'attire.
Il rejoint mon prochain objectif, le Coll d'Estenalles
via
le Collet del Mal Pas
et les Colls de
Boix et de
la Garganta.
C'est
sur un chemin que je
m'éloigne du renard du Coll
des Tres Creus.
Le
panorama s'étend jusqu'aux montagnes de Monserrat.
Peu
à peu le chemin
fait place
au
sentier annoncé.
De nombreuses parties sont cyclables pour un
Vététiste.
Quelques unes pour moi.
En
sus des 3 cols "officiels" le
GR5 est
parsemé de 5 autres cols géographiques. J'ai du
mal
à savoir où je passe le Coll de
Boix.
Peu après le sentier redevient chemin.
J'aperçois même fugitivement une route pentue.
Le balisage de mon GR ne va pas dans sa direction. Ma carte
elle-même ignore cette anomalie bitumineuse. Aurais-je
rêvé ?
Ce dont je suis sûr,
c'est de ne pas m'arrêter au Coll de la
Garganta,
non que je craigne d'y prendre mal à la gorge au contact
d'un
courant d'air puissant, mais la côte qui s'en suit
nécessite l'apport de l'élan pris dans la
descente.
Et
puis en hauteur, je vois
à la fois le col et la gorge.
Le passage sous la chapelle
Sant
Jaume est la marque d'un retour prochain à la
civilisation
des hommes...
confirmé non loin par "l'oficina
del Parc de la Mata".
Fermée.
Le Coll
d'Estenalles
se franchit en descente.
Ca
me va.
Un aller-retour au Collet
de la Sabateru, d'où il faut
remonter, et je m'apprête à gravir le dernier col.
En venant au Col
d'Estanalles je n'envisageais pas me lancer sur le
GR5. En revanche, j'entendais bien monter au col d'Eres. Interdit aux
vélos !
Je
viens de remarquer sur le panneau
précédent, qu'un
programme de préservation de la faune "cavernicole"
interdisait
l'accès de l'Avenc
del Davi du 1 novembre au 31 mai.
Un panneau
semblable avait attiré mon attention à l'Alzina
del
Salari, là où j'ai
bifurqué vers le
Coll de Tres
Creus.
Je n'ai pas réalisé sur le moment que nous
étions
précisément le 31 mai et que j'avais 7 heures
d'avance.
Je comprends maintenant l'attitude du renard au Coll de Tres Creus.
Il a cru que j'étais "de la maison".
D'où sa familiarité.
J'ai
péché par omission. Celle de me tenir
informé du
calendrier. Le temps passe si vite qu'il devient lassant d'avoir
à retenir
chaque jour une date nouvelle.
Gravir le Coll d'Eres
serait de la récidive.
Et c'est mal vu, par les temps qui courent.
Même
pour un dix-neuvième col.
Je rentre en France par Puigcerda.
Maintenant que j'ai
réalisé que le mois de juin est pour demain, il
est temps
que je vérifie où en est la fonte des neiges
au-dessus des
2000 mètres.