Lors de la construction des
lignes de chemin de fer, des troubles se produisirent plusieurs années de
suite. Belvèze en était en quelque sorte l'épicentre.
3 mai 1894
Nous
pouvons donner aujourd'hui sur les incidents qui se sont produits sur
les chantiers des voies ferrées en construction dans l'Aude et dans
l'Ariège, des renseignements précis que nous avons recueillis sur place.
Dans la nuit du 30 avril, le
préfet de l'Aude était informé par la gendarmerie
de Belvèze, que 200 ouvriers des chantiers de l'Ariège se
dirigeaient sur les chantiers de l'Aude pour, disaient-ils, en chasser
les ouvriers espagnols. Le préfet donna immédiatement
l'ordre au sous-préfet de Limoux de se transporter à
Belvèze où vinrent le rejoindre trois ou quatre brigades
de gendarmerie des cantons voisins.
Dans
la nuit, des renseignements ayant fait connaître que de nouveaux
groupes d'ouvriers se rendraient, dans la matinée du 1er mai, à Belbèze (sic) et
que le chômage serait complet sur tous les chantiers qui occupent
dans l'Aude, 600 ouvriers, dont 120 à 130 espagnols, un piquet
de dragons de 50 hommes a été requis par le préfet
et est arrivé à Belvèze, vers 6 heures du
matin...
Côté cour, le bâtiment voyageurs
et la halle aux marchandises étaient desservis
par l'avenue de la gare.
Les marquises abritaient les quais de deux lignes, celles de Lavelanet à Bram et de Pamiers à Limoux. Le 15 octobre 1899,
le train de 6 h 48, au départ de Pamiers, arrivé
à Belvèze à 8 h. 13, continuait sur Bram
et non pas sur Limoux.
Aucun train n'a d'ailleurs jamais relié les deux extrémités de la ligne.
Les voyageurs repartaient
au nord-est,
en bordure de la halle aux marchandises,
au travers de l'emprise de la station que ne traversaient naturellement pas
En mai 1894
lors des troubles à Belvèze, le préfet, après avoir envoyé sur place le
sous-préfet et un piquet de dragons de 50 hommes, s'est déplacé
lui-même.
Il a fait, aussitôt, afficher l'appel suivant :
"Á Belvèze et à toutes les communes où habitent les ouvriers de la voie ferrée.
République française
DÉPARTEMENT DE l'AUDE
Le préfet de l'Aude rappelle aux ouvriers dans les chantiers des voies ferrées en construction, dans l'Aude :
1° Que le travail depuis 100 ans est libre en France, qu'il doit rester libre pour tous ;
2° Que nous
avons avec les nations étrangères et, particulièrement avec l'Espagne,
notre voisine, des traités de paix et d'amitié qui donnent aux
espagnols le droit de travailler dans notre pays comme les Français ont
le droit de travailler dans le leur, ce que beaucoup font. Dans la
seule ville espagnole de Barcelone habitent environ 40.000 de nos
concitoyens qui gagnent en toute sécurité leur vie...
La "voie verte Canal
du Midi à Montségur" ne se laisse pas déstabiliser
par l'usage multiple de la chaussée et fait un nouveau point de
situation :
← 48 km Lavelanet
Bram 17 km →
Le
préfet espère que ce simple appel au bon sens et aux vrai sentiments
démocratiques des travailleurs sera entendu et qu'il ne sera plus mis
dans la pénible nécessité de faire intervenir la force armée, pour
faire respecter la loi et les devoirs de l'hospitalité.
Le préfet de l'Aude BÉVÉRINI-VICO.
Dans la journée, le préfet a vu un grand nombre
d'ouvriers, notamment à Belvèze et à Vignerolles
et leur a, de vive voix, commenté son appel en insistant d'abord
sur ce point qu'il n'y avait pas dans les cahiers des charges des
travaux de l'État, de limitation du nombre d'ouvriers
étrangers à employer,
que les traités de la France avec les nations amies ne permettaient pas d'introduire de clause semblable et
qu'enfin il y avait du travail pour tous sur les chantiers, puisque les
entrepreneurs ne demandaient qu'à embaucher des ouvriers.
Il a ensuite
fait appel à leurs sentiments patriotiques en leur exposant le danger
qu'il y aurait pour la France à s'aliéner les sympathies des nations
amies telles que l'Espagne. Les
observations et explications du préfet paraissent avoir
été comprises par les ouvriers et, aujourd'hui mercredi,
tous ou presque ont repris le travail.
En
prévision, cependant, du chômage de la fête de l'Ascension et pour
prévenir tout désordre et tout conflit ce jour-là, un piquet de dragons
et quelques gendarmes supplémentaires ont été maintenus à Belvèze.
à l'arrière de la maisonnette de garde-barrière du PN 13,
alors que, de son côté, la "ligne de Lavelanet à Bram" amorce un virage,
à la croisée de la route de Belvèze, actuelle D 18,
à la gauche de la maison de garde.
Celle-ci, commune aux deux lignes, porte les numéros 48 et 13.
Le tracé rectifié de la départementale recouvre la voie déferrée qui, bientôt,
reprend du service, en site propre,
sous le revêtement de la voie verte.
← 49 km Lavelanet
Bram 16 km →
Le Progrès de la Côte-d'Or du 4 mai 1894 apporte quelques précisions au sujet des troubles des jours derniers à Belvèze.
La journée s'est passée sans incidents. Á signaler
seulement l'arrestation d'un dénommé Rondil qui
s'était livré, il y a trois ou quatre jours, à une
agression contre un chef de chantier.
Dans
l'après-midi, le chef du mouvement, un certain Louis Geneste, de
Louches, s'est présenté à la mairie pour exposer
au préfet les griefs des ouvriers français. Après
un entretien d'une demi-heure, Geneste, paraissant comprendre qu'il
était impossible de satisfaire à leurs prétentions
et d'expulser les Espagnols, a donné sa parole d'ancien soldat
qu'il recommanderait le calme à ses camarades...
Les convois, à l'amorce d'une ligne droite de 1400 mètres, s'engageaient sur le tablier d'un pont-rail
maçonné,
voûté
au-dessus de la route départementale 19.
Á 220,205 mètres d'altitude, au
PK 340,76 de la ligne,
du haut duquel, au loin,
sur un piton, détaché de la chaîne des collines, s'érige, couronnant les pentes, le village de Cailhau.
Des
remparts le défendaient jadis, des moulins à vent battaient de l'aile à
la pointe du roc, une église avec son clocher roman fruste et trapu, le
signalait aux habitants de la vallée.
De
ce passé, l'église reste seule. Au bout de la spirale des rues étroites
qui sinuent entre les logis anciens, les moulins, condamnés par la
concurrence des minoteries modernes, pendent en ruine parmi les
ronces ; les remparts, aux trois quarts abolis, ont laissé fuir les
maisons au bord de la route.
Mais d'avoir bataillé autrefois, d'avoir souffert, le village garde un accent de mélancolie.
Les fleurs des jardinets en terrasse, les pampres appuyés aux
vieux murs grognons, y sont d'une beauté plus touchante.
Le
Razès est un territoire au nord et à l'ouest de Limoux,
sur la rive gauche de l'Aude. Et les villages ronds y sont
nombreux : Cambieure, Pieusse, Alaigne, Cailhau...
Au
centre se trouve une place publique, ou bien l'église, et des
rues droites rayonnent du centre à la périphérie,
tandis que des rues circulaires, concentriques, recoupent celles-ci.
Tout cela plus ou moins géométrique, d'ailleurs...
Ces
villages sont-ils nés ainsi configurés, ou bien le
sont-ils devenus, à partir d'un noyau central ?
M. Josserand, dans son intéressante étude sur les
villages ronds, est enclin à admettre qu'ils sont plutôt
nés tels que nous les voyons, au moins en partie. Les fondateurs
ont éprouvés un légitime besoin de se regrouper, de se sentir les coudes...