le long des lieux d'aisance et du bâtiment
voyageur, à 9 h 25.
Le train s'arrête. Une
gare de peu d'importance que celle de
Villeneuve. Trois quart de lieue la sépare de l'ancienne
capitale judiciaire et politique du Bas-Vivarais.
La patrie des deux de
Serres, de Court de Gébelin, de ce comte d'Entraigues, dont
la
destinée aventureuse finit si mystérieusement
à
Londres, sous le poignard d'un assassin, est aujourd'hui un bourg
abandonné, sans commerce, sans avenir.
C'est une ville morte que
tua le décret de la Constituante du 23 août 1790,
supprimant les sénéchaussées.
Côté cour, la gare était
desservie par la N 102, actuelle route des
Cépages.
Le 22 août 1877, le Conseil Général
d'Ardèche renouvelle un vœu auprès du PLM pour
que
celui-ci délivre des
billets d'aller et retour valables pour
48 heures entre Saint-Jean-le-Centenier et diverses gares
du département.
Le
Conseil
Général demande aussi que soit posée
une
boîte aux lettres relevée à chaque
train par les
facteurs qui accompagnent les dépêches. Cette
boîte qui occasionnera très peu de frais
à
l'administration, sera excessivement utile pour les communes de
Saint-Germain, Lavilledieu, Lussas et Mirabel qui pourront
répondre immédiatement aux lettres pressantes qui
arrivent le matin.
du PN 20, à la
croisée du "chemin départemental
N° 258 de Villeneuve-de-Berg à Darbres".
Depuis la gare de Villeneuve-de-Berg, Léon Vedel et son
compagnon de
voyage, se rendaient au domaine de Pradel par des routes et des chemins
moins directs que la voie ferrée.
Sur la foi d'une bonne
femme, nous affirmant qu'il nous faut « à
peine un bon petit quart d'heure de marche pour arriver au Pradel »,
nous nous jetons résolument à travers champs,
l'ombrelle au poing,
sous un soleil à fondre les basaltes dont les volcans du
Coiron ont
couvert le sol.
Nous suivons un chemin mal entretenu, plein d'ornières ou de
cailloux, que « la bonne femme » nous dit être le grand chemin du
Pradel.
I1 traverse la plaine, monotone, coupée de champs de
mûriers ou de maïs. Nous avons toujours en face de
nous le Coiron
et Mirabel. On dirait, à ce moment, d'un immense tableau
accroché
dans l'espace, en exposition permanente. A notre gauche, une
série
de petites collines gazonnées derrière lesquelles
se cache Villeneuve.
Nous
n'avons « qu'à aller tout droit jusqu'au passage à
niveau,
auprès duquel nous prendrons à gauche,
après quoi
nous trouverons
un passage voûté qui nous conduira à
une
rivière, que nous remonterons sur la rive gauche, et
qui... »
Aujourd'hui, les difficultés majeures ne viennent pas des
distances sous-évaluées ni des explications
vagues d'une "bonne femme" pour rallier le domaine du Pradel. Un GPS de
randonnée, bien programmé, ne peut pas se tromper.
Du passage
à niveau
jusque sous les Brus, la
végétation recouvrant la
voie
ferrée, ne résiste pas à un
sécateur de
poche manié avec patience et détermination.
Il faut
davantage d'équipement - et donc revenir un autre
jour -
C'est par ce chemin
que Léon Vedel a rencontré le viaduc.
Tout
à coup, au
détour du chemin jusque là encaissé
entre deux collines arides, nous nous trouvons
au
pied d'un viaduc dont les
arches
, fermant la vallée, atteignent une hauteur vertigineuse. On
dirait un gigantesque portique s'ouvrant sur la plaine qui
s'étale tout ensoleillée devant nous.
A ce moment, un train
traverse le viaduc :
monstre à cent têtes, aux naseaux fumants, qui
raya d'un
trait de feu le bleu du ciel et disparut comme une vision fantastique
dans un sourd grondement.
A quelques pas, adossé au
talus du chemin de fer, se cache "à l'ombre des noirs
peupliers" un vieux moulin".
La meunièrequi n'est pas une
meunière,
le moulin n'étant plus un moulin, nous dit que
c'était
"le moulin du Pradel" et que nous sommes à cinq
minutes du
domaine.
la galerie
voûtée d'un passage
maçonné sous le remblai de la voie
ferrée.
L'IGN, de nos jours, y fait s'écouler un ruisseau non
porté sur le cadastre de 1951.
Les rails se terrent en tranchée
en contrebas
des vignes
du domaine du Pradel.
Vous êtes ici sur le domaine
du Pradel,
acheté en 1558 par le villeneuvois Olivier de Serres. Il
acquit
d'abord une centaine d'hectares de terres alluviales planes et en
partie irrigables, puis plus tard, les droits seigneuriaux qui le font
accéder à la noblesse. Son domaine comprenant
plus de 150 hectares, est le plus important de la région.
Olivier
de Serres s'y installe en 1578 et s'y passionne pour le "mesnage" de la
propriété, notant au jour le jour ses
observations et le résultat de
ses expériences agronomiques.
Quarante années de recherches
alliant lectures, observations et expérimentations lui
serviront de
base à l'écriture de son important
ouvrage : le "Théâtre d'agriculture
et mesnage des champs", publié en 1600.
En 1881, Léon Vedel, parvenu
enfin au domaine, écrivait :
Le
domaine occupe la partie extrême de la vallée de
la
Claduègne que baigne, quand elle a de l'eau, cette
capricieuse
rivière. Sa contenance et son aménagement sont
à
peu près les mêmes qu'au temps d'Olivier. Les
longues
rangées de muriers s'alignent encore dans les vastes champs,
les
vignes piquent toujours les pentes ;
mais
l'arbre d'or n'a plus, hélas ! que des rameaux
flétris, le phylloxéra a presque
anéanti les vignes.
Les deux fléaux méridionaux n'ont pas
respecté le
patrimoine sacré de celui qui fut le rénovateur
de
l'agriculture en France. Depuis quelques années, le chemin de fer le
traverse à son extrémité
méridionale.
Nous ne savons guère, en France, honorer nos
gloires.
Il
est à peu près certain qu'en Angleterre ou en
Amérique par exemple,
une gare
serait affectée au service du domaine historique, ou, tout
au
moins que le chemin qui y mène ne serait pas
laissé dans l'état
d'abandon qui distingue trop celui du Pradel, et serait
déclaré route
nationale de première classe.
Les regrets de Léon Vedel, n'auront pas
été
éternels. Au siècle suivant sa visite, durant quelques
années,
une "gare du
Pradel" fonctionnera.
Certes, cette création ne sera pas l'œuvre du PLM ni de la
SNCF, mais de
l'association
Viaduc 07 qui arrêtait là son train touristique
au pied de la cave Pradelle. Le phylloxéra, entre temps aura
été vaincu.
C'est sur ce quai de gare
qu'en 1884 :
Vers midi, après avoir visité chacune des
personnes atteintes (par le choléra), Monseigneur (l'évêque de Viviers) est venu
à la gare de
Saint-Jean-le-Centenier
prendre le train pour Ruoms. Sa Grandeur a tenu à visiter
encore
une fois cette paroisse très frappée ces derniers
temps...