En 1841, quarante-et-un ans avant l'ouverture de la ligne de
chemin de fer, on arrivait différemment à Connaux.
Sur la route de Nisme à Lyon, après
avoir passé le Gardon et traversé les gorges sinueuses et solitaires de
Valliguières et de Gaujac, le voyageur fatigué de la monotonie du désert
qu'il vient de parcourir,
s'arrête tout émerveillé à l'aspect d'un riant village flanqué de
quatre tours mignonnes qui rappellent son origine féodale, et
coquettement posé sur une plate-forme de granite d'où la vue plonge
dans le lointain sur une vallée toute diaprée de mûriers, d'oliviers, de vignes, de moissons, de prairies,
et qui va toujours en s'élargissant jusques au Rhône, pour ne finir
qu'au pied des Alpes.
Ce
village, c'est Connaux,
qui voit avec un secret orgueil sa petite tribu grandir de jour en
jour, et prospérer à force d'intelligence et d'industrie. Eh ! qui
pourrait voir sans amour et sans envie aussi, ces paysans gros et
vigoureux qui vont et viennent, chantant ou sifflant, menant les bœufs
au labour, les moutons au pâturage, charriant du charbon, des
pierres, du fumier...
A 72,065 mètres d'altitude, la
voie ferrée sautillait "la Maïre dite Réal" sur un aqueduc aujourd'hui
embroussaillé.
UTM :31 T 628440
4883674 Et
ces jeunes femmes, qui se précipitent, béantes de curiosité, au seuil
de leurs maisons, quand le fouet sonore du postillon se fait entendre
dans la rue ; - et ces petits enfants qui
tourbillonnent autour de la
voiture pendant que l'on détèle et que l'on attèle les chevaux ; et ces
réunions causeuses de jeunes filles, folles et rieuses, qui lavent aux
fontaines... - Et puis, le soir quand la nuit est venue avec ses
ombres
propices, ces causeries plus intimes des jeunes villageoises avec leurs
galants, et le murmure lascif des désirs, et le frémissement des molles
étreintes, et le pétillement des chauds baisers, échangés à la face
d'un ciel qui leur sourit avec amour...
Oh !
c'est un charmant village que Connaux.
Il n'en fut pas toujours ainsi.
Vers le milieu du XIIIe siècle, Connaux n'existait pas, et l'opulente plaine qu'il domine
n'était qu'un immense marécage... Les
religieux bénédictins, depuis deux siècles établis sur la montagne de
Saint-Pierre-de-Castres, venaient de descendre dans la plaine, et,
sur une petite éminence de granit,
avaient bâti l'enceinte de Connaux
où les pauvres vassaux d'Aton, fuyant le glaive des soldats,
trouvèrent, sous un toit hospitalier, tous les secours de la charité
chrétienne.
La plaine marécageuse et les coteaux environnants leur furent
distribués sous des redevances, et bientôt ces bras reconnaissants, par
des prodiges d'industrie agricole, changèrent en moissons opulentes la
stérile fécondité du sol.
Les cultures dans les marais asséchés demandaient de l'eau, d'où
l'abondance des fossés
à l'angle de la maisonnette de garde-barrière du
PN 35.
La borne de la "Fontaine du
Crapaud" affiche un entremêlement de chemins de randonnée sans rapport
évident avec l'ancien chemin de fer
qui, lui, poursuit sans hâte sur une chaussée déformée.
Début septembre 1920,
des voyageurs pour l'Ardoise ont probablement côtoyé Fernand Roman, cultivateur à Connaux
(Gard) qui a été surpris
voyageant sans billet en gare de Montereau et remis à la gendarmerie.
Au
cours de l'interrogatoire, il a fait l'aveu qu'il avait, dimanche
dernier, à Tresques (Gard),
tué à coup de poignard et de révolver, une
jeune fille de 19 ans, Mlle Elise Roux, qui l'avait éconduit.
Après avoir fui à Paris, où il a
dissipé ses faibles économies, il regagnait le Midi, poussé par le
remords, pour s'y constituer prisonnier...
et s'insérait entre les parois rocheuses d'une tranchée emprisonnant la frontière
entre les communes de Connaux
et de Saint-Paul-les-Fonts.
La plate-forme
ferroviaire semble
avoir été posée sur
l'ancien tracé du chemin du Moulin, ce qui expliquerait qu'elle ait
emporté
avec elle, sur quelque 240 mètres, la ligne de partage communal.
Le "chemin de l'Ancienne Voie Ferrée",
soutenu par un muret
en pierre,
ouvre un accès
au lavoir des Fontaines.
Les rails avaient
jadis rompu la continuité du "chemin de Saint-Paul à Bagnols" ;
continuité en partie rétablie de nos jours sous l'appellation "Camin de
Rieutort".
Les marais asséchés
restent inondables. Un journaliste semble pourtant douter que les intempéries d'octobre 1891, aient pu affecter dans le secteur,
la marche des trains Avis. - Les avis
ci-dessous sont affichés sur les murs de la gare du P.-L.-M. :
Voies de nouveaux emportées par les eaux du kilomètre 17,400 de la
ligne d'Uzes à Nozières...
...
- La circulation n'existe plus qu'entre Connaux et
Laudun-Saint-Victor.
Bizarre ! d'autant
qu'aux mêmes dates, le journal "Le Rappel" informe que la
circulation des trains est interrompue entre Cavillargues et l'Ardoise,
deux villages qu'il n'hésite pas à situer sur
la ligne de Langogne!
Il faudra attendre les inondations de l'année suivante pour que
Cavillargue,
cette fois orthographié sans "S", ne revienne se bien placer sur la ligne de l'Ardoise.
à l'angle de la maisonnette de garde-barrière du PN 38.
Le long de la maison de garde, détruite,
la voie déferrée s'écarte de la "route de Saint-Paul-les-Fonts à Laudun"
et progresse, entre la chaussée
goudronnée
et une vigne, afin de se présenter dans l'axe
d'un ex-pont-rail.
L'ancienne voie d'Alès au Rhône
Vous êtes ici sur l'ancienne
voie d'Alès au Rhône, inaugurée en
1882 et fermée en 1952.
Les deux
ouvrages d'art qui enjambent le Reymoneret (un affluent de la
Tave),
permettaient son franchissement par la voie ferrée (l'actuelle route de
Saint-Paul-les-Fonts)
et les véhicules routiers (l'actuelle voie
verte).
Le pont ferroviaire,
colonisé par la végétation, ne laisse rien paraître de sa structure.
Au sortir de l'ouvrage,
la voie déferrée poursuit en
marge de la route et se fait appeler "voie verte".
La voie ferrée avait principalement pour
but le transport des matières
premières en provenance d'Alès, en direction de l'Ardoise où un port
avait été créé sur le Rhône, permettant ainsi l'embarquement par bateau
vers Marseille.
Parmi ces matières premières on trouve
vins, céréales et bestiaux ou le
lignite (un combustible fossile) des mines du Pin ou de Rochebelle à
Alès.
Ces
combustibles alimenteront les hauts-fourneaux du
Gard-Rhodanien, ainsi que les industries naissantes telles que la
sucrerie de l'Ardoise qui bénéficiera notamment du train pour être
ravitaillée en betteraves à sucre.
Du pont sur le
Reymoneret à la gare de Laudun-Saint-Victor, la plate-forme ferroviaire,
absolument rectiligne, ne se laissait traverser par aucun chemin,
de s'écouler
au-travers d'un aqueduc voûté,
maçonné à 64,004 mètres d'altitude.
Jusque dans les années 1930,
le train facilitera aussi le développement
de productions locales ou d'industries telles que la terre réfractaire
des carrières de la Capelle Masmolène, les fabriques d'aggloméré
(briquettes au Pin, boulets à Cavillargues).
Permettant la circulation des biens et des personnes, cette ligne fut
l'un des acteurs principaux du développement économique de la région,
jusqu'à sa fermeture en 1952.
C'est écrire l'histoire à grands traits que de prétendre que la ligne
d'Alès à l'Ardoise a été fermée en 1952.
La section de Brouzet à Fontarèche, par exemple, était non seulement
fermée mais déclassée le 30 novembre 1941.
A cette date la "ligne
d'Alès à l'Ardoise" n'existait donc plus en tant que telle.
Dès 1903, la
compagnie P.L.M.
tente de diminuer ses frais d'exploitation en expérimentant sur la
ligne deux automotrices à vapeur à deux essieux, série VACf-1 et 2,
livrées par les Ets. Valentin Purrey de Bordeaux. Poussées jusqu'à
75 km/h sur les sections à profil facile du parcours, elles
peuvent
remorquer une ou deux voitures légères à 60 km/h.
En 1907,
ces deux prototypes sont épaulés par des voitures plus puissantes série
VACDf-23/35 Buffaud-&-Robatel d'une capacité de 85 places, qui
peuvent atteindre 85 km/h et remorquer jusqu'à cinq voitures.
Ce que le panneau d'information, dans un soucis, peut-être, de
vulgarisation, résume sous le titre de "La locomotive".
Dans
les années d'entre deux guerres, les automotrices d'un entretien trop
délicat ont disparu, et la desserte se réduit à un omnibus classé
"train léger" et un mixte marchandises-voyageurs. La traction est
assurée à cette époque par des 03 03-C, vétérantes du parc A.R.M.,
des 230-A et des 050 5-A du dépôt d'Alès.
A la fin de l'été 1938, le trafic
étant presque nul, la ligne est fermée au trafic des voyageurs. Dans
les premiers mois suivant l'Armistice de 1940, la
section de Brouzet - Fontarèches-Saint-Laurent est abandonnée et les
rails récupérés après le déclassement survenu à l'automne 1941.
Bien
avant, à l'hiver1883,
le
train parti d'Alais, gare du Rhône,à
10 h 20,
pénétrait sur
l'emprise de la gare de Laudun-Saint-Victor,
le long de la halle aux marchandises,
- aujourd'hui
démolie au profit du siège social d'une société de fabrique de fûts et d'emballages -
et se présentait à quai devant le bâtiment voyageurs à
11 heures 49.
Apparues avec les chemins de fer du premier tiers du XIXème siècle, les
gares témoignent de transformations radicales dans notre environnement
organisé : industrialisation, urbanisation, et surtout, accélération des
vitesses des transports. Sur la ligne, en 1904,
cette petite gare de
Laudun-Saint-Victor vit au rythme des
trains. Quatre locomotives et leurs wagons
s'arrêtent ainsi à cette
station.
L'architecture de cette petite gare de campagne reprend un modèle qui
sera reproduit partout en France au XIXème siècle puis
durant la moitié
du XXème. Le rez-de-chaussée se compose d'un quai,
d'une salle d'attente pour les
voyageurs et le bureau du chef de gare. A l'étage on trouve le logement
du chef de station et de sa famille. Cette
gare a été transformée en
maison d'habitation tout en conservant sa structure ancienne.
Sa taille et son importance reprennent un modèle imposé par
le Ministère des Travaux publics, qui publie en 1880 un
recueil de types de bâtiments, pour toutes les compagnies susceptibles
d'entreprendre des aménagements de ce type.
Ainsi ce bâtiment voyageur est de type troisième classe car il dessert
deux communes composées d'une population de moins de 6000
habitants. Cette troisième classe impose une taille, à savoir 50 m2 de
bâti au sol et à l'étage, ainsi qu'un seul employé, le chef de gare.
Côté cour, le chemin d'accès à la station était embranché à la route départementale N° 240.
A 64,836 mètres d'altitude,
le train partait
croiser la
"route départementale N° 240 de Laudun à Saint-Victor-la-Coste", à
l'angle de la maisonnette de
garde-barrière du PN 39,