Selon une bonne sémiologie, lorsque le Coran a fait une description du Paradis, il a acclimaté ses expressions et ses images à la sensibilité linguistique et au "canon esthétique" de ses interlocuteurs. Ceux-ci, rappelons-le, habitaient un désert aride, sous une constante et implacable canicule. Il leur a parlé à juste titre de verdure fraîche, de fruits délicieux, d'eaux ruisselantes et abondantes... Il est évident que le même Coran, s'il avait été révélé ou écrit pour avoir effet et séduction sur les habitants de la Scandinavie, n'aurait évoqué ni eau, ni verdure mais plutôt le désert, où légèreté rime avec liberté et chaleur avec bonheur. C'est ce que je me suis laissé aller à imaginer dans cette anecdotique et quelque peu provocatrice tentative de versification :
(Le désert
n’est
pas vraiment vide)
Messieurs Aigle
et Faucon, Demoiselle Gazelle,
Compagnons
du chemin, fugitifs et rebelles,
Sans
raison se dissipent et d’un coup se
révèlent
Mais
ce jeu didactique et malin te rappelle
Que dans le grand désert, tu n’es
point solitaire.
(L’eau
retrouve sa vraie valeur)
A
l’eau douce des puits, rends valeur et justice
Cette
sève de vie se mesure au calice
Si
les morts la sirotent aussitôt ils guérissent
Et
l’abbé décrépit redevient
beau novice
Réfléchis
à ton vœu quand tu t’en
désaltères !
(La
solidarité est la religion du désert)
Qu’est-il
à l’horizon de si brun, un chevreuil ?
Grand oiseau
atterré blessé dans son orgueil ?
Ou plus
ample ? Une tente qui ouvre son seuil,
Qui agite ses
ailes en grand signe d’accueil
Et qui
t’offre un repos des plus sains sur la
terre.
Une eau
fraîche, un thé vert, un affable
gérant,
Attaché
à tes lèvres, à tes doigts,
déférent
Mais cruel, il étrille une
lyre
pleurant
Qui
gémit et susurre un refrain effarant :
« Ou
la mort, ou les gens unis et
solidaires !
« On
se soude au désert, tels les Juifs à Anvers
« Ceux-là
mêmes que Rome et La Mecque lésèrent
« Alors
qu’elles ont plagié leur
Alliance Première
« Pour
en faire des guerres, et malheurs et misères
« Seul
le Dieu de l’amour et l’entraide,
vénère !
(Les
Houris sont brunes et minces)
Les
sublimes Houris aux beaux
corps
allongés
Aux
yeux miel que les cils savent bien imager
Vêtues
d’un simple voile aérien et léger
Que
le vent indécent s’acharne à
dégager
Vent
têtu et voyeur, de mauvais caractère.
Il
dénude l’idole au soleil qui l’adore
Que ses doigts
dévots et esthétiques redorent
Cheveux
noirs en bataille que le vent commémore,
Du temps
où Chrétiens s’opposaient aux
méchants Maures,
Mêlant
sabres convexes et épées
régulières.
Si
sa bouche dit « oui ! »,
le regard réitère
Et
promet l’élixir, la boisson magistère,
Que
tu lapes en douceur dans le creux de ses reins
Prends-en une
ou plusieurs, n’aie remord ou chagrin
L’Apôtre
a dit « Houris ne sont pas
adultères ».
Quand
le soir fait tomber ses rideaux de velours
Bien malin et
complice, il tamise le jour
Préparant
l’atmosphère aux intimes amours
Seul
témoin : le
hibou caressant le tambour
D’une
voix nostalgique, il déchire l’éther.
(Contrairement à la Scandinavie, le ciel
est
magnifique)
Dieu
insiste à fêter cet instant magnifique,
De
son saint chapelet mystérieux, féerique,
Il
rehausse l’azur de l’alcôve magique
Des
joyaux d’un éclat étonnant, mirifique.
Là
tout seul, Dieu s’égaie à tailler
belles pierres ?
(La Nature au
désert est plus propice aux besoins humains)
D’une
fraîche rosée, elle essuie les
paupières.
(L’Enfer
scandinave)
Dans
l’Eden où grelottent un Monod, un Foucault,
Où
l’ombrage assombrit le lugubre décor
Où
la bise dissipe le chaud sirocco
Où
les lieux trop humides terrassent le corps
Une
idée les anime : un retour illico
A la
vie d’ici-bas et se terrer encore
Dans
le vrai paradis qu’ils appellent désert.
(Refrain)
A toi, O
Scandinave !
Ce message suave
Que
t’envoie le Conclave :
Si le
cœur tu te laves,
Tu
l’auras ! Serment grave !
Le pays des
beaux zouaves.
Quel Paradis répond à
l'attente du Scandivave ? Celui qui se nomme l'Eden ou plutôt
le Sahara ?