Le
succès sportif, touristique et culinaire de notre
précédente sortie à Paladru incite
à
repasser le plat. Le lundi de Pentecôte se prête
à
une nouvelle escapade. Le temps le lui rend bien.
L'équipe
ne se compose
plus, cette fois, que des durs du noyau dur de l'escadrille : Muriel,
Gilbert, Gérard. Lucien est des nôtres avec son
dérailleur électronique. Michel et
Jean-François,
retenus par des obligations obligatoires nous suivent par la
pensée.
Nous
décollons, vent latéral, en direction de Talencieux.
Absente
de toute circulation et
balayée par un léger mistral, la Vallée du
Rhône endormie se débarrasse
prestement de nous à
hauteur du Pouzin.
L'échauffement devrait prendre fin à
Privas.
Eole, toujours favorable à notre périple, retarde
le début des choses sérieuses. Lucien veut
ignorer cette
bonté des éléments et
préfère croire
en un état de forme exceptionnel.
La
prudence qu'exige l'emprunt d'une nationale empêche que la
formation ne déploie sa toile avant le Col de
l'Arénier... que je
parviens à faire mettre en boîte. Il en sera de
même de chaque autre
col. C'est la spécialité du jour, qui
mérite bien photos.
Quelques
centaines de
mètres sur la droite nous bifurquons
à l'assaut des crêtes ardéchoises.
Comme à
l'habitude, l'ascension ne prête pas à
flânerie,
toutefois, après quelques minutes
d'accélération,
le tempo faiblit ; en tête, on dodeline du couvre-chef
jusqu'à amorcer un demi-tour. Quelqu'un est
fatigué ? Mon plan de vol serait
remis en cause ? Une
mutinerie ?
- Que se passe-t-il
? en
viens-je à m'enquérir.
- On va faire le Col de
l'Escrinet ! Ce serait dommage de passer si
près sans s'y rendre.
Aurais-je
converti la compagnie
à la chasse aux cols ?
Photo faite, nous
reprenons, pour de bon, la direction des hauteurs :Col de Sarrasset,
Col de La Fayolle,
Col
des Quatre Vios,
Col
de Mézilhac, Mézilhac.
J'aime bien les
établissements où il n'y a
personne ! dit-elle. Nous aussi,
apparemment, puisque nous nous y rendons. Le choix semble
judicieux ; un menu cycliste est à l'affiche. - Pas les jours
fériés ! s'empresse de
préciser le patron.
- Vous pourriez nous préparer des pâtes !
lui suggère Muriel, unanimement approuvé en
celà par un Lucien affamé. -
Il faut une demi-heure !
tient à nous préciser, l'aubergiste.
Le
temps de cuisson de la recette des nouilles reste un mystère
qui
doit tenir compte de l'altitude et du décalage horaire. Il
me
semble, pour pratiquer en amateur, que chez moi, trois à
sept minutes suffisent.
Nous
patientons au dehors où un soleil
généreux
compense la fraîcheur des cimes. Notre bonne humeur atteint
elle
aussi des sommets qui, par un effet atmosphérique
communicatif,
rafraîchissent notre gargotier. Nous ne voyons d'autre
explication à son attitude soudainement
déplaisante. Sans raison ni sommation, lors d'une apparition
en terrasse, il nous assène :
- Je veux bien vous rendre
service, mais je n'ai pas que ça à faire !
Nous en venons à envisager
l'éventualité de changer de crémerie.
- Bon ! avec les
pâtes, je vous mettrai du bourguignon, revient-il, nous
imposer, péremptoire.
Le climat ainsi
créé me force à lui
rétorquer, dans le ton :
- Du bourguignon pour des
cyclistes, c'est pas l'idéal !
Mais, l'homme a de la
répartie :
- Tout mes clients cyclistes
mangent du bourguignon !
-
Alors ! c'est pour ça qu'on vient d'en doubler autant ! Ils
devaient sortir de chez vous ! ne puis-je m'empêcher de lui
répliquer.
Gérard, pourtant
d'ordinaire plutôt conciliant, surenchérit :
- Vous allez voir que tout
à l'heure,
il va nous demander de
payer !
Cette
remarque a-t-elle inquiété les oreilles du
fâcheux
? toujours est-il qu'une fois à table, il vire à
l'aimable, participe à notre conversation et à
nos
fou-rires, nous entretient de ses connaissances
cyclo-vélocypédiques - en particulier dans le
cadre de
l'Ardéchoise
- et, cerise sur le gâteau, nous
présente une addition allégée : moins
de cinquante
francs par personne. Ça y est, il a compris que nous faisons
du
vélo. De stupéfaction, les bras m'en tombent. Le
dossier
de ma chaise, aussi.
Rien
ne semble plus affecter le gargotier qui se propose pour
immortaliser
la destruction. Malheureusement, le cliché sera
raté. Nul
n'est parfait.
Lachamp-Raphaël,
le
Gerbier.
L'accès
au Mont Gerbier-de-Jonc
est d'ordinaire source d'efforts plus
véritables. Qui ne se souvient l'avoir durement
mérité, tant à l'école
primaire, en
leçon de géographie, qu'à l'issue de
la longue
montée de la
Baricaude, dans le cadre de
l'Ardéchoise
?
Plus qu'un Mont célèbre, ce sont davantage des
souvenirs
qu'aujourd'hui, ici, nous prenons tranquillement en photo.
Aux Estables,
deux
itinéraires se présentent : le contournement du
Mézenc
par un
chemin à rallonge, montagneux à la Russe et
hostile au
vent ! l'autre, direct, par la
Croix de Peccata (col
que je n'ai encore jamais franchi) avec plongée sur
Fay-sur-Lignon,
notre prochaine étape. Devinez pour quel
parcours je milite !
La formation
décide de s'envoler pour la Croix
de Peccata.
Quelle chance !
A
Mars, je
propose d'éviter Saint-Agrève
par un
chemin
forestier menant directement à Devesset, via le
lac.
Raccourci
que jamais nous ne trouvons. En revanche nous ne manquons pas
Le-Chambon-sur-Lignon.
Quelques
fractions d'heures plus tard, enfin remis sur la bonne route
(aérienne, bien sûr) le retour s'annonce banal
dans des lieux connus... trop connus de Gilbert,qui
ne sait résister à la tentation d'honorer
vivement la
côte de Saint-André.
Le feu aux poudres est mis.
Rien, pas même le col
des Baraquesne
pourra l'éteindre
avant Annonay.
Seule
une bière offerte
par Gérard, au café du Champ de Mars, aura raison
des
braises. Trente-cinq bornes de poursuites, en conclusion d'un
périple flirtant, pour certains, avec les deux cent
cinquante
kilomètres, s'imposaient comme un minimum pour continuer
à mériter le qualificatif "d'avions".