07 - de l'arrêt facultatif de
Cassagnas-Village à l'arrêt facultatif de la Draye-du-Pradal Ancienne
voie métrique CFD de Florac à Sainte-Cécile-d'Andorge
à
VTT
En rive droite de la Mimente, sur les hauteurs, la ligne d'immeubles de Cabanis, le Serre, Crouzas,
se prolonge à travers le village de Cassagnas, masqué par la végétation.
Voici encore Cassagnas, ma perle de la
ligne. Je
ne connais rien de plus vert, de plus frais, de plus adorablement
champêtre que ce village, de plus gracieux aussi, avec sa petite place
ouverte sur la vallée et bordée des trois autres côtés de maisons
toutes pimpantes dans leur blancheur immaculée.
C'est du haut de la
montagne, en bas, jusqu'à la rivière, un ruissellement de verdure, qui
déborde sur l'autre rive, un fouillis de noyers et d'ormeaux, de
pommiers et de chênes, de châtaigniers aussi et de frênes, c'est un
gazouillis sans fin de sources et de ruisselets, qui arrosent cette
verdure et se hâtent vers la rivière, où truites exquises et goujons
délicieux se disputent leurs eaux.
En face, à bonne distance, pour
permettre au soleil de pénétrer sous ces ombrages, d'animer toute cette
vie de ses feux, un beau tapis de hêtres couvre les pentes, cache
rochers et ravins, invite aux courses vagabondes, sans direction et
sans but, aux courses pour marcher, pour se fortifier et s'assouplir
les muscles, pour se dilater les poumons.
Au sommet d'un
promontoire élevé... se dresse le
temple, nu et
seul ;
à proximité sous le feuillage, dans un nid de verdure, on aperçoit vers
l'est une longue ligne claire, ce sont les maisons échelonnées tout le
long de la rue du village.
Leruisseau de Lourne est actuellement porté sur les
cartes IGN sous l'appellation "ruisseau
de Seiguerines" ;
il baigne la Jasse et conflue avec la Mimente.
En 1963, Gaëlle
Pedley et sa
coéquipière Léone,
de la CIMADE, rentraient d'une
visite d'une semaine effectuée au camp de harkis implanté au-dessus de
Cassagnas.
Ce n'est pas le chemin d'exploitation traversé par l'autorail qui
attirait là l'attention des deux voyageuses.
Nous allons à petite vitesse, repasser en
contrebas du camp. Voici en
effet quelques lumières sur la montagne, et les autres passagers ne
comprennent pas notre enthousiasme à les regarder...
Si Gaëlle
Pedley et Léone ont
pu apercevoir des lumières, c'est qu'il faisait nuit et que la végétation était au repos.
L'autorail a apparemment traversé l'arrêt de Cassagnas-Village sans
que les deux femmes ne s'en aperçoivent. Ce jour-là, donc, aucun voyageur ne
voulait grimper de nuit au village,
pas plus qu'en descendre sur des sentiers aventureux.
La voie déferrée
remonte le cours de la Mimente
à une altitude dépassant maintenant
les 720 mètres.
La voie métrique
se tenait
principalement sur la partie droite de l'actuel chemin de randonnée,
quelque peu à l'écart de la berge abrupte de la rivière.
La sobriété des maçonneries aura probablement participé à la rigoureuse
tenue des délais de construction.
1904
Le
31 mars dernier, le vote du parlement autorise la construction d'un
chemin de fer à voie étroite entre Florac et Sainte-Cécile d'Andorge...
Les
ingénieurs de la Compagnie des chemins de fer départementaux sont déjà
depuis plusieurs jours sur les lieux pour les études définitives du
projet et promettent de le livrer à l'exploitation en 1909
et les populations émerveillées hésitent encore à croire à cette
réalité bien certaine qui leur apparaît comme une radieuse illusion.
Et pourtant laligne de Florac à Ste-Cécile-d'Andorgesera
ouverte à l'exploitation le samedi24 juillet 1909.
La longueur des
aqueducs n'ayant
pas été négligée,
c'est peut-être
Photo
du 29 mai 2019
à l'étroitesse relative de l'ouvrage
qu'il faut imputer l'emportement du torrent et par voie de conséquence,
celui du remblai.
A l'autre bout de la béance,
la voie déferrée
vire se mettre à l'abri
d'une courte mais rassurante tranchée,
avant de reprendre ses acrobaties
en balcon
au-dessus de la
rivière.
Puisqu'il est établi que Stevenson,
après avoir dîné à l'auberge de Cassagnas, est repartit
de làvers deux heures, que,
abandonnant la route 107bis il traversa la Mimente et
prit un sentier raboteux qui
s'élevait sur l'autre versant de la
montagne couvert de pierres roulantes et de touffes de broussailles,
que, sur le sommet du mont,
il n'y avait plus trace de sentier et qu'il
dut s'avancer au hasard sur le plateau pour retrouver son chemin...
un passage d'eau sur un aqueduc de faible déclivité.
En 1974, le bulletin "Causses et Cévennes" confessait sa méconnaissance du parcours
effectué par Stevenson au sortir de l'auberge de Cassagnas.
Une adhérente du
club cévenol d'Alès, autochtone de l'étape, s'empressa d'apporter une
réponse à l'énigme, dans le courrier des lecteurs de la revue :
Me permettrez-vous de vous dire que je crois le problème, au
contraire, très simple ?
Stevenson
n'en dirait rien, parce qu'il s'agirait tout bonnement du chemin
habituellement emprunté par les gens de Cassagnas pour aller à
Saint-Germain...
"Cassagnolaise",
âgée de 82 ans, je me rappelle avoir entendu plusieurs fois ma
grand-mère - et d'autres - parler de l'ancien chemin de
Saint-Germain...
Rénové
récemment, le pont de Ribiès,
sur la Mimente, en amont de Cassagnas, ne
paye pas de mine.
Emprunté par une variante du GR Stevenson,
reliant la
zone cœur à la zone périphérique du Parc national des Cévennes...,
il a été choisi par la Nouvelle dimension et Télédraille, deux
associations floracoises, pour organiser un stage vidéo. À destination
des ados, celui-ci s'inscrit dans le cadre de l'opération "C'est mon
patrimoine".
"Ce
pont, répertorié par Languedoc-Roussillon Cinéma (Aujourd'hui,
Occitanie film) sur sa carte des lieux de tournage, a été utilisé
par Robert Enrico pour le tournage de son court-métrage, La Rivière du hibou,
en 1962,
rapporte Guillaume Sapin, de la Nouvelle Dimension. Cette
histoire tombait dans l'oubli. On a trouvé intéressant de la
réhabiliter à travers la réalisation d'une vidéo qui sera projetée le
15 septembre, lors d'une journée d'animation autour de ce pont."
Le club cévenol fait état, dans son bulletin de 1979, de travaux de reconnaissance, débroussaillage
puis balisage d'un tronçon du parcours entre Cassagnas et
Saint-Germain-de-Calberte par la draille du Pradal et le Col des
Laupies...
La Rivière du hibou a
été décorée de la Palme d'or du court-métrage à Cannes en 1962 puis
d'un Oscar en
1964. Comme le racontent les enfants en stage du 27 au 30
août, le film traite de la guerre de Sécession et d'un homme qui
s'apprête à être pendu par des soldats.
Mais la corde casse et l'homme,
un civil, s'échappe… "Le film nous raconte qu'une guerre, ce n'est pas
forcément bien."
Au moment du tournage, la potence a été
installée
sur le pont de Cassagnas. Et ce sont les paysages cévenols que le
spectateur admire dans cette histoire américaine, devenue culte aux
États-Unis grâce à la série Twilight Zone.
Puis
ils projetaient de se lancer à la recherche d'anciens figurants. "On
sait que le cinéaste s'était adressé à l’équipe de foot, rajoute
Guillaume Sapin. Et différentes questions se posent. Pourquoi avoir
choisi Cassagnas ? Ou encore équipé
le pont de rails, alors que la voie
ferrée passait à proximité ?"
Pourquoi avoir équipé
le pont de rails, alors que la voie
ferrée passait à proximité ? se demande Guillaume Sapin.
Il paraît peu imaginable de tourner les scènes d'un film sur une ligne
de chemin de fer en activité. C'était d'ailleurs la "micheline" du C.F.D.
qui, depuis Florac,
transportait, jusqu'à proximité de la passerelle, le matériel, les cinéastes, les acteurs et les
figurants.
Un figurant local se souvient avoir participé au tournage d'un autre
film. Des scènes avaient pour cadre les ruines de
Révolte, hameau surplombé par le train entre Cassagnas-Barre et
Cassagnas-Village.
L'ancien figurant a malheureusement oublié le titre de cet autre film.
Les ravins, eux, n'oublient pas
d'aller, à intervalles courts et réguliers, déverser leurs eaux dans la Mimente.
Le 3 avril 1909,
les travaux d'infrastructure et les bâtiments
étaient terminés. Il ne restait plus que quelques parachèvements
insignifiants à exécuter.
En revanche, ici la pose de la voie était encore en cours d'exécution.
Du côté de Florac, elle est complètement achevée sur 16 kilomètres de
longueur.
sautillaient ici un des 265 ponceaux et aqueducs
de la ligne.
Si la marche des trains de 1935 a su intégrer le, puis les autorails
mis en service, elle ne mentionne pas encore les arrêts que ces
véhicules, plus maniables que les trains, allaient permettre d'ajouter à ceux déjà existants.
On n'y trouve donc pas l'arrêt de la Draye du Pradal, prochaine
desserte de l'autorail.
Le
mot draille ou draye ne se trouve pas dans les dictionnaires français
avec le sens qui nous occupe,
qui est propre aux idiomes méridionaux. Voici les définitions données
par quelques dictionnaires denotre
région.
Chemin
rural, chemin gazonné, voie affectée au passage des troupeaux... vieux
chemin, voie romaine... sonnailler d'un troupeau...
Chemin affecté aux troupeaux et qui a
une plus grande largeur que les autres.
Il se dit surtout de ceux que suivent
les troupeaux qui vont passer l'été surla
montagne et sur lesquels on croit qu'ils ont prescrit le droit de
passage, quoiqu’ils ne soient pas frayés et qu'on ne distingue guère à
l'œil leur périmètre.
On voit d'après cette définition que
les drailles ne seraient pas àproprement parler des
chemins, mais plutôt des servitudes de passage...
1838
La plupart des troupeaux de bêtes à laine qui habitent les localités
comprises entre les environs de Nismes et l'extrémité de
l'arrondissement
de Lodève, sur une longueur de 12 à 15 lieues, vont chercher, à
l’approche
des chaleurs,
dans le département de la Lozère
et ses environs, un climat
moins brûlant, des eaux plus saines et plus abondantes, des pâturages
plus frais et mieux fournis que ceux qu'ils trouvent ici pendant l'été
et
une partie de l'automne.
Les montagnes principales où ils jouissent de
ces avantages sont : dans le département
de la Lozère, l'Aubrac, qui peut
recevoir annuellement 25.000 têtes de bétail ;
la Lozère 100.000 bêtes, le
Pays haut, comprenant les terrains au Nord de la Lozère et une partie
de
la montagne de Margeride, 100.000 bêtes, et quelques autres localités
moins importantes. UTM : 31 T 561179
4901977
Ainsi, environ 400.000 bêtes à laine du
Bas-Languedoc font deux fois annuellement de longues routes, partie sur
des chemins qui
leur sont destinés, partie sur des routes royales et départementales
remplies de poussière ou de boue,
et,
à cette époque, encombrées de voyageurs,
de voitures de toutes sortes, ce qui cause de fréquents accidents,
occasionne la mort immédiate de plusieurs animaux, et fait contracter
les germes de maladies qui se développent plus tard.
L'origine des drailles est certainement très ancienne ; tout le monde
l'admet. D'après M. Guichard, curé de St-Georges-d’Orques, qui m'a été
signalé comme le plus compétent sur cette question, cette origine
remonterait aux temps préhistoriques.
En
effet, sur leur parcours et en particulier à leurs carrefours, on
trouve de nombreux monuments mégalithiques : pierres droites (menhirs), dolmens, cistes, etc.
Dans
certaines régions,
notamment les Pyrénées, le droit de passage pour les moutons a été
confirmé par des chartes internationales, dont quelques-unes datent du
treizième siècle.
Les
drailles n'ont pas toujours servi exclusivement aux animaux, elles ont
souvent emprunté, au moins sur une partie de leur parcours, l'assiette
des voies carrossables : voies romaines, routes royales, chemins de
diverses catégories...
L'arrêt facultatif de la
Draye du Pradal
s'effectuait dans un environnement abrupt et peu ensoleillé,
une
soixantaine de mètres
avant une maisonnette semblable à celles du Vivier et du PN des Crozes,
à un bon
demi-kilomètre du viaduc du Blocard.
Les constructeurs du chemin de fer, ayant visionné le cadastre napoléonien, savaient que la plate-forme ferroviaire allait devoir traverser la
"draye pour les Troupeaux du Languedoc",
antique
et sommaire voie, peut-être d'origine gauloise, et si importante
pour l'économie rurale du pays qu'elle figure sur la carte de l'état-major...
à
moins que la
bâtisse n'ait été qu'une maison cantonnière ?
Cette hypothèse est confirmée le 27 juillet 1935 par "l'Auvergnat de Paris" qui écrit : le Conseil municipal de Saint-Germain-de-Calberte émet le vœux que la Micheline s'arrête à la maisonnette du cantonnier du Pradal.
Le nombre réduit
d'ouvertures laisse
supposer qu'une famille ne vivait
pas ici, dans cet endroit peu hospitalier, sans replat ni
lumière.
La lumière n'est
venue qu'avec le temps. Par le toit.
En tant que maisonnette de garde-barrière, elle n'aurait eu besoin
d'être habitée qu'à la belle saison, au moment des transhumances.
En tant que maison de poseurs :
Une brigade devait
établir ici ses
quartiers
en tant que de besoin, dans un secteur particulièrement
propice aux
éboulements et aux ruissellements. Un endroit
idéal pour les
maquisards, qui furent nombreux au pays des camisards.
Le
soupirail trahit une cave, donc une construction "aux
normes",
avec chaînages en harpe.
Ses lieux
d'aisance sont toujours visibles,
un
peu plus haut dans les bois.
Le hameau
du Pradal, porté sur la carte de Cassini (1756 - 1845),
se situe sur
l'autre rive de la Mimente, à l'adret.