En
avril 2003, alors que je suis immobilisé par un
plâtre sédentaire, je m'aperçois que de
nombreux
Saint-Ponais pratiquent la petite reine. J'en suis
étonné.
Jusqu'à ce qu'un automobiliste percute mon vélo
par
l'arrière, par malchance au moment où
j'étais dessus, je roulais
tous les jours sans jamais croiser le moindre cycliste.
Je fus surpris, alors, de voir passer
régulièrement un voisin, partant ou revenant de
randonnée en VTT.
Depuis, nous avons eu une ou deux fois l'occasion de rouler sur les
mêmes chemins.
Nous avions convenu d'en faire de même lorsque j'irai dans
les
Pyrénées
franchir un col à plus de 2000 mètres. Il me
fallait
toutefois sélectionner un parcours à sa
portée.
Lorsque plusieurs cols s'enchaînent, en cas
d'épuisement, faire demi-tour n'est pas de tout repos. Il
faut
repasser les cols intermédiaires.
La Collada
de Fontalba, 2074 mètres, en Catalogne
espagnole,
accumule tous les critères requis.
08
juillet 2006
Le
départ se fait à Ribes de Freser
par la route.
C'est
là-haut !
Le village de Queralbs
atteint,
je dois me
renseigner sur l'accès à la suite du parcours.
Là
comme ailleurs, les noms de cols n'inspirent guère la
population,
surtout quand elle n'est pas du pays.
Une petite route,
sur la droite, devrait, si j'ai bien compris, nous permettre
d'atteindre notre objectif.
L'ascension se poursuit, toujours sur l'asphalte.
On
domine la ligne de chemin de fer de Nuria, inaugurée le 22
mars
1931. La gare de Nuria ne sera, elle, construite qu'en 1953.
Le train part de la gare de Ribes-Enllaç à 905
mètres d'altitude, arrive à Rialb, 1022
mètres, et
après un tunnel entame une montée de 900
mètres
sur 7 kilomètres. La ligne devient alors à
crémaillère. Le
sanctuaire de la Vierge de Nuria culmine à 1967
mètres.
La route fait
maintenant place à une très large piste.
Je vois que mon compagnon de route commence à peiner. Il
n'a, de plus, jamais eu l'occasion de rouler casqué.
Je lui ai prêté un casque, acquis à
l'occasion de
notre périple à Saint-Jacques de Compostelle.
L'organisateur avait "contraint" tous les participants à
respecter la loi espagnole sur la protection des crânes.
Depuis l'accident
dont j'ai été victime près de chez moi
(sans casque), je
me suis offert un modèle de couvre-chef rigide plus seyant.
Je devine que mon voisin, à bout de carburant, ne souhaite
pas
que je le vois mettre pied à terre. Aux deux tiers du
parcours
muletier, j'accède à son souhait.
"Montez à votre
rythme", me rabâche-t-il.
Je ne distingue
plus qu'un point minuscule sur la piste en-dessous.
Ma
surprise est grande de trouver le col transformé en parking
géant et débordant.
Mis à
part un 4/4 de la
police, je n'ai rencontré aucun véhicule pendant
l'ascension.
Altitude 2024
Collada
de Fontalba
J'aurais
été seul, sûrement serais-je
monté par un
autre itinéraire franchissant d'autres cols environnants...
ce
qu'a fait une bande de Vttistes aperçus naguère
à
Queralbs et qui déboulent de derrière la montagne
par un sentier.
L'attente se prolonge. Je commence à pique-niquer, le froid
passé inaperçu jusqu'alors, commence à
se
manifester à moi.
Je finis de manger et je ne suis toujours pas rejoint.
Il me faut aller voir.
Je retrouve mon voisin montant à pied et
décidé
maintenant à faire demi-tour. Nous apercevons les
dernières voitures garées avant le col.
Ce serait dommage d'abandonner si près du but.
Le col sera franchi. Et sur le vélo.
L'heure est maintenant à la descente.
"Descend doucement, ne te laisse pas prendre par la vitesse" ne puis-je
m'empêcher de conseiller. J'éprouve quelques
doutes sur la
qualité de freinage du BTT bas de gamme de mon
désormais collègue.
Passez devant ! me répond-il.
"Ah ça non !" répliqué-je. "Je n'ai
pas envie d'avoir à remonter le col".
Je parviens seulement à le retenir pour qu'il
n'emboîte
pas la roue aux jeunes Vététistes, sur leurs
rutilantes machines neuves
et entretenues.
Je suppute un cas de stimulation malsaine.
Je ne reverrai plus mon voisin. Avec mon XT spécial
descente, je n'arrive pas à le suivre.
Je ne le reverrai plus jusqu'à ce que, cinq cent
mètres
avant la reprise de la route goudronnée, à la
sortie d'un
virage, je distingue un obstacle au milieu de la piste.
Mon compagnon de route est allongé en travers, le VTT en
couverture.
L'heure n'est plus aux photos.
L'axe de la roue avant a lâché...
Je suis surpris de retrouver le pilote vivant. C'est la tête
la
première qu'il a dû atteindre le sol. Le casque le
premier, si j'en crois ce que je vois.
Déjà un 4/4 doublé, arrive sur les
lieux.
Téléphone au secours.
Le second tout-terrain qui descend du col est piloté par un
médecin.
En attendant l'hélicoptère, un
troisième automobiliste me descend à Ribes de Freser
chercher ma camionnette pour récupérer le
matériel.
Plus de description.
11 mois après, j'ai encore du mal à y repenser.
J'ai aussi du mal à aborder les descentes.
La tête humaine est solide. Le lendemain midi, je suis
prévenu que le trou béant creusé dans
le
crâne de l'accidenté est rebouché et
que mon voisin est autorisé à quitter
l'hôpital de
Gérone.
La médecin venu en l'hélicoptère
m'avait
laissé entendre plus de complications.
Je suis soulagé.