Je
me trouve enfin en présence d’un col.
En principe, le suivant se nomme Coll
des Empedrats.
Trouverai-je un
indice pour me le confirmer ?
Oui, la borne frontière 595.
Le balisage suit les crêtes.
J'en fais autant sans négliger d'apprécier le
léger répit accordé par la nature du
sol et
l'inclinaison de la pente.
Banyuls me suit maintenant à la perpendiculaire.
Je progresse.
Je progresse aussi en altitude : 744 mètres... au-dessus de
la mer.
Un col sans bavures finit par s'offrir à mes yeux. Quel
est-il ?
Je suis sur la bonne route, si je puis m'exprimer ainsi,
mais où ?
Un col doté d'une pancarte. Une
première. Ma
stupéfaction est telle que j'oublie d'en constater qu'elle
mentionne
la position du Coll del
Teixo.
Lecture trop rapide de l'énoncé !
J'imagine avoir déjà franchi le col il y a de
cela 727,91 mètres.
La fatigue ? Peut-être. Pas l'épuisement puisque
j'ai encore la
curiosité de me demander comment quelqu'un a pu mesurer
aussi
précisément la distance.
Même mal
interprétée, la pancarte me rassure. Je progresse
toujours. Lentement mais sûrement.
J'aurais
dû me munir de cette photo "Goggle
Earth". On y constate que des cols intermédiaires ponctuent
le trajet
entre mes deux objectifs répertoriés.
Des cols géographiques,
pour la gloire.
La sente ne s'éloigne pas des
crêtes.
Puig d'en Jorda
Probablement le Ras de
la Perdiu.
Je vais en savoir plus, une pancarte brille au loin.
Le Puig Jorda se trouve comme prévu derrière moi.
Quant au Puig de la Calma annoncé devant, j'entends le
contourner.
Les vagues informations de cette pancarte ne me permettent pas de me
situer.
Peut-être la suivante apportera-t-elle des
précisions ?
Non
! J'ai affaire là
à un panneau girouette qui de plus se moque de l'appelation
du
lieu. Il indique pour l'heure la direction du Coll de Banyuls
dans son strict sens opposé.
Un
randonneur pédestre, premier humain rencontré
depuis la mer, nous situe au Coll
del Torn. Sans
absolue certitude.
D'ici, deux parcours permettent de rejoindre le col de Banyuls.
Le
premier, par les crêtes, que l'homme n'a pas besoin de me
déconseiller. L'autre, déjà
prévu sur mon
parcours, contourne le Puig de la Calma. J'apprends que je trouverais
une source. Une
bonne nouvelle. J'apprends aussi que certains passages me
contraindront à porter le vélo. Moins bonne
nouvelle. Je suis incapable de soulever ma monture depuis
qu'en 2003, un
automobiliste a distraitement poussé mon vélo
pendant que j'y étais dessus.
Capable ou pas, je n'ai d'autre issue.
Si
c'est ça la zone de portage ! J'ai rencontré bien
pire auparavant.
Mais j'ai
peut-être tord de me réjouir !
Le
marquage s'espace tout en restant suffisant à condition de
rester concentré.
Lorsque je me
trouve devant une
profonde
vallée, côté français, je
commence à douter de la direction prise. Aurais-je
manqué une
bifurcation ? Je dois rentrer par l'Espagne qui se trouve de l'autre
côté de cette
barre montagneuse.
D'errements
descendants en retours
pénibles, je finis par remarquer le balisage jaune auquel je
me fie
depuis des heures. Je décide de continuer à lui
faire confiance.
Une
confiance aveugle. La
trace ne cesse de m'entraîner vers les profondeurs. Je crains
de me retrouver
au fond de la vallée à une heure trop tardive
pour regagner ma voiture à la
lumière naturelle. Et ce n'est là que la moindre
de mes craintes. J'imagine quelle
sorte de sente
pourrait permettre de dévaler ce
précipice.
Installé
devant Google
Earth, j'aurais pu survoler le
problème et mettre fin à mon angoisse.
L'itinéraire de contournement contourne,
tout en perdant de l'altitude. Rien que de normal. Sur place,
je
dois confier le
maintien de mon moral à
d'autres indices. La source annoncée par le randonneur du Coll del Torn,
se
trouve bien au rendez-vous. Certes, rien ne ressemble plus à
une source qu'une
autre source, mais quand même ! Trouver
confirmation de ma position, ne pas glisser sur les rochers
humides et moussus, franchir les passages abrupts montants ou
descendants sans
avoir recours au portage impossible, ne pas me faire distancer par le
soleil
déclinant, remplir mon bidon à
la source, m'occupent au point de me
faire oublier d'immortaliser la moindre de ces scènes.
Et les heures passent.
Enfin
le réconfort. Une pancarte confirme que j'ai bien
contourné le puig de la Calma. Je dois être au Coll del
Llop... que
je craignais d'avoir Loupé.
Même si les obstacles n'ont pas
encore totalement disparus,
je me sais sur le versant espagnol
et
bientôt en vue d'un col parfait
qui ne figure pas sur ma
carte et que j'identifierai plus tard.
Plus au loin je pense avoir affaire au Col de
Banyuls.
Peu avant le Coll
de Sabencs, puisque
du Coll de Sabencs il s'agit, je redeviens cyclo muletier.
Au Col de Banyuls, cycliste routier.
Si on ne le possède pas au palmarès,
on peut franchir le Col
du
Berger mort, tout près.
Col
de Banyuls
Il est à peine plus de 17 heures, je pense pouvoir encore
regagner
Colera avant la nuit. Je "pense", car je n'ai aucune idée de
la
distance restant à parcourir. Il faut bien une petite part
d'incertitude pour donner une impression aventureuse à une
randonnée.
Je crois avoir en tête, la fin de mon parcours. Il ne s'agit
que d'une
étape de liaison... avec quand même deux cols.
D'abord, ici, le Coll de
Vallfreda. Une formalité.
Pour la suite j'aurais gagné à consulter une
carte, même sommaire. A
Mas Pils je remarque, sans ralentir, une piste, à gauche,
parfaitement
balisée. Ma course contre le soleil me fait
éviter les arrêts. Je
cherche un embranchement de deux routes asphaltées.
C'est là que se produit mon erreur. Je poursuis sans
rencontrer le
carrefour recherché.
En pointillés
rouges
l'itinéraire suivi ; en verts, celui à suivre.
Lorsque j'arrive à Espolla, je me crois à
Vilamaniscle. Comme je me
retrouve en terres connues, sur mon parcours "Epidémie
de cols à Colera", effectué le 20
janvier, je poursuis sans
rien trouver d'anormal. Je quitte le village par une piste
bétonnée.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
Je prends conscience de mon erreur en passant le Coll Fornell que je
suis certain n'avoir pas inscrit au programme du jour.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
Je passe, sans faiblir, ce carrefour qui m'avait posé tant
d'interrogations le mois dernier.
Je n'hésite pas mais j'ignore où je suis. Je ne
suis sûr que d'une
chose, je remonte à l'envers mon circuit du 20 janvier.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)Je reconnais Rabos, village
caractéristique. Au bas du pays, une pancarte "Vilamaniscle"
m'amène,
sans ralentir, à prendre une décision. Je n'aurai
pas le temps de
regagner Colera par la route avant la nuit. Mon VTT n'est pas
équipé de
dispositif lumineux.
A Vilamaniscle, je poursuivrai mon circuit de ja,vier, toujours en sens
inverse. Je le connais. Il permet d'approcher très
près de Colera rien
que par des pistes.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
Je franchis le Coll de
Reixac sans y prêter attention,
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
seule la route du Coll de Banyuls
parvient à me distraire. C'est par elle que je comptais
arriver là.
Goudronnée en cet endroit, je la pensais
asphaltée tout du long. C'est
ainsi qu'en son autre extrémité, dans la descente
du Col de Banyuls, je
l'ai croisée avec indifférence.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
Vilamaniscle.
Je me sens sauvé, même si le soleil prend ses
distances. J'espère
bénéficier encore d'un peu de lumière
jusqu'au Coll de la Serra.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
A la sortie du village, exception à mes habitudes, je me
fais confirmer
ma direction par un autochtone. Je l'interpelle toutefois de loin pour
ne pas avoir à entamer une conversation. Les minutes sont
précieuses.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
Coll
de Quirc, Coll de la Closa,
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
Coll
de la Serra. Là je connais. Ce col, je le
franchis pour la
quatrième fois en un mois. La suite du parcours, je la
ferais les yeux
fermés. Ca tombe bien au moment où la nuit s'abat
sur le paysage.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
Je laisse à droite la piste par laquelle je suis venu la
semaine
dernière depuis Llança. (Colera
2 : le retour - Llança)
(Photo du 20 janvier, en sens inverse)
A proximité de Mas
Gonter,
je distingue les ruines.
(Photo du 20 janvier, en sens opposé)
J'espérais conserver un soupçon de
lumière pour parvenir au carrefour
de la piste de Mas Patira.
Maintenant que j'y suis, je souhaite encore atteindre le Coll de Tres
Camins avant la nuit noire.
(Photo du 20 janvier)
Ce ne sera pas possible.
(Photo du 20 janvier)
Au Coll
de
Tres Camins, la citerne s'est fondue dans la nuit. Le
soleil, ce soir, n'a pas rendez-vous avec la lune pourtant remise de
son éclipse d'hier. En janvier, j'ai pâti
à m'orienter à ce carrefour.
Depuis j'ai travaillé sur des cartes et documents divers
pour rédiger
le compte-rendu de mon passage précédent.
Aujourd'hui, je tire bénéfice de ces recherches.
Désormais je ne
distingue plus le plancher des vaches. Vaches qui m'apparaissent au
dernier moment aux abords comme au milieu du chemin.
(Photo du 20 janvier)
Je l'ignore, mais il reste 6 km 700 jusqu'à ma voiture.
J'ai des points de repère que je n'entends pas ignorer au
passage : la
Collada, le Coll d'en Poca-sang et le Coll de la Perica orné
d'un
panneau touristique.
Pour ne pas engager de risques inutiles, je mets souvent pied
à terre.
Par obligation dans les passages en sous-bois où la
visibilité dépasse
le nul. Par précaution dès que le sol s'incline
devant ma hardiesse.
Les lumières de la ville. Celles de Colera.
Celles de ma destination.
Je sais qu'au Coll de Sant Antoni, il me restera un bout de national
à
"descendre". Un km 300.
La circulation est nulle.
Colera.
"Colera le retour", un titre déjà pris.
Dommage.
Vingt heures viennent de sonner.
Il ne me reste plus qu'à rentrer. Trois heures de volant...
sans prendre d'autoroute.
* Ce parcours
dérange
l'étalement de nombreux épineux. Qui, comme moi,
n'est
pas "porteur" doit se méfier ou équiper sa
monture de
Tubeless avec produit bouche trous.