Ce
n’est que parvenu au sommet, que "les
anciens" m'affranchirent de ce que la
première grimpée est toujours la plus
facile... que par Malaucène la difficulté est
moindre que par Bédoin..."Mon exploit" allait-il encore
suffire à me différencier de ceux qui ne savent
pas monter à bicyclette?
J'ai
effectué ma seconde montée,
l’année suivante, par Bédoin cette fois
et dans le sillage du Tour féminin 98 . A quinze heures, ce
jour-là, la canicule avait envahi les pentes du
Géant. Avec cette chaleur accablante, je me
demande comment faisait le public amassé au bord de la route
pour faire des belotes ou des parties de pétanques dans les
bois.
Le jour de Pâques 1999, en revanche, la neige me barra la route au Mont Serein que j'atteignis pourtant sans recourir à "la moulinette".
Météorologiquement parlant, la semaine précédant le dimanche 23 mai, n'annonçait rien de bon pour le week-end. Je m'étais donc résolu à programmer sagement une moisson de "petits" cols dans les "Baronnies".
A l'approche de Malaucène, je fus soudain attiré par la silhouette du "Mont" sur fond azur. Attiré même jusqu'en son sommet.
Redescendu par Bédoin, pour varier les plaisirs, je ne me sentis guère d'attirance pour les creux et les bosses de la route de Malaucène.Je me dis qu'une fois remonté au Ventoux, je serai vite rentré. Au Chalet Reynard la curiosité et l'appât du gain de 2 cols - a posteriori imaginaires - me propulsèrent 1200 mètres plus bas, devant la chiche fontaine du village de Sault. Il n'était pas question de rentrer par le Col Notre-Dame des Abeilles. Je ne m'en sentais pas le courage ! Une fois remonté au Ventoux ne me resterait-il pas seulement 21 kilomètres de descente pour retrouver ma voiture à Malaucène ?
A la réunion du bureau de mon club, le mardi suivant, je racontais mon escapade. Les anciens ne manquèrent pas de me faire savoir que j'avais raté d'un cheveux le titre de « Cinglé »… du Ventoux. Trois ascensions sont nécessaires par les trois routes possibles. Mais rajouta Bernard, il y a encore un autre itinéraire : la route forestière. Quatre grimpées élèvent à la dignité de "Galérien". Et là personne n'hésita à rajouter "du Ventoux".
Etre à moitié "Cinglé" ne pouvait me satisfaire longtemps, je programmais donc une nouvelle expédition pour le dimanche 30 mai.
Après le traditionnel "Rallye du coin" du samedi après-midi, je pris la direction du sud afin de me trouver le dimanche matin frais et dispos à pied d'œuvre. C'était sans compter sur la cloche de monsieur le curé de Sainte-Colombe qui, elle, comptait sans relâche les heures et les demies au-dessus du toit de mon camping-car.
Dès l'aube je hissais mon véhicule sur le parking face au Chalet Reynard.
L'expérience de la semaine précédente m'incitait à disposer d'eau fraîche en un point de passage obligé.
La fraîcheur m'amène à maîtriser ma vitesse dans la descente sur Bédoin.
J'entreprends de suite la première montée. Dès l'accentuation de la pente je mets à contribution "la moulinette". L'exercice sort du simple champ de l'entraînement surtout un jour comme aujourd'hui où "je ne me sens pas très en forme". A mi-pente, je me trouve rejoint par un vététiste dont la conversation distrayante m'amène à accentuer légèrement le rythme sans toutefois me laisser aller à dépasser "le train". Nous nous quittons à hauteur de mon poste de ravitaillement personnel du Chalet Reynard.
Le vent du sud, très raisonnable et même coopératif dans l'ascension des 6 derniers kilomètres tente toutefois de m'empêcher d'aborder l'ultime virage. Une farce probablement. Un cycliste tout de jaune vêtu, dont je surveillais du coin de l'œil les efforts pour revenir sur moi, m'aborde enfin alors que je finis d'enfiler un utile coupe vent. Tout comme moi il plonge sur Malaucène, et m'annonce fièrement qu’il va procéder à une seconde ascension.
A la pancarte "Malaucène", pas un mètre plus loin, je fais demi-tour.
L'homme en jaune a disparu.
Il réapparait quinze minutes plus tard, devant moi. Il a fait halte au café de la Fontaine du Groseau. Il n'a donc pas rejoint Malaucène ! Nous partageons la conversation jusqu'au Belvédère. La pente des quatre kilomètres suivants ne peine pas à nous séparer. Sa seconde grimpée s'annonce moins alerte que la première.
Je franchis pour la deuxième fois le but de mes efforts. Le vent ne croyait pas me revoir. Il s'est retiré.
La remontée par Sault semble de pure formalité. Sont-ce les kilomètres complices des pourcentages, ou les effets pervers de la digestion mais je trouve le faux plat montant de moins en moins faux et de plus en plus montant. J'en viens à préférer les six derniers kilomètres, certes impressionnants, mais au moins aérés.
Ca y est, me v'là complètement "Cinglé".
J'avais amené mon V.T.T. pour tenter "la galère" de la route forestière. J'en ai parcouru une grande partie, mais la chaleur étouffante, mon moindre intérêt pour la monture, la perspective des 3 heures de conduite pour rentrer et un premier rendez-vous professionnel bêtement fixé tôt le lendemain matin, m'ont fait renoncer au diplôme pour me contenter de la médaille. Je sais qu'à condition de coucher sur place, je peux le faire... cette certitude suffit, dans l'immédiat... immédiat, à mon bonheur.